LES CHIENS ERRANTS
Film poseur pour cinéma nombriliste
Il existe certains auteurs, qui à force de creuser le même sillon et de mêler art contemporain et cinéma, finissent par se reposer sur leurs lauriers et par se regarder tourner, oubliant le spectateur, voire le prenant carrément pour un idiot. C'est vraisemblablement le cas de Tsai Ming-Liang, égaré depuis presque 10 ans, loin de ses riches fulgurances de "The Hole", "Et là-bas quelle heure est-il ?" ou "La Saveur de la pastèque", tournant en rond en étirant au plus long des scènes souvent inutiles ; encouragé dans cette mouvance par des jurys de festival vraisemblablement aveugles, tel celui du Festival de Venise 2013, qui lui a décerné un surprenant Grand Prix pour ce sombre portrait d'une misère financière et affective.
Si l'auteur aborde à la fois la déliquescence du couple, la précarité, ou l'impossibilité de l'entraide ; s'il dépeint une ville tentaculaire devenue inhumaine, ne laissant que peu de place à la nature, reléguée aux terrains vagues, ou aux contacts humains ; s'il compose tout même quelques images fortes (la scène en bateau, sous des trombes d'eaux, tel le passeur vers un mort certaine...) ; il faut bien avouer que l'aspect cataclysmique de l'ensemble, soumettant le père de deux enfants aux pires conditions de vie (il pisse et mange dans des terrains vagues, pour finir par subir une sorte de déluge), le caractère poseur de nombreuses scènes, rallongées au maximum histoire de meubler, épuise rapidement.
Car pour que le spectateur saisisse le propos et s'imprègne de la souffrance du personnage principal, incapable de subvenir aux besoins d'enfants qu'il tente de maintenir dans l'insouciance des promenades et des jeux, il n'était pas utile de nous montrer trois fois (durant 5 bonnes minutes à chaque fois) l'homme tentant de rester debout, portant un panneau publicitaire dans une rue bruyante et ventée. Chien errant, exclus de la société, il mange son poulet à pleines dents dans un terrain vague. Mais cela méritait-il réellement une scène de plus de 5 minutes ? Le summum est atteint lors de la scène finale, où l'homme regarde dans la même direction que la femme durant près de 20 minutes, interminable plan fixe, qui Dieu merci révèle au final ce que le mur recèle d'espoir perdu. Un film tout juste insupportable, dont les 2h40 paraissent une éternité, qui si l'on y réfléchit bien, aurait certainement fait un bon court métrage, et qui par certains aspects s'avère à la limite de l'insultant pour le spectateur, même le plus attentif.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur