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PIETA

Un film de Kim Ki-duk

Déstabilisation

Un jeune adulte agit comme homme de main d'usuriers ou de propriétaires, récupérant l'argent que de petites gens doivent, à force d'intimidation. Lorsque ceux-ci ne peuvent pas payer, il leur casse violemment un bras ou une jambe, ceux-ci ayant souscrit lors de l'emprunt une police d'assurance qu'ils toucheront alors en tant qu'estropiés, remboursant ainsi leur dette. Solitaire, l'homme reçoit un jour la visite d’une vieille femme qui prétend être sa mère...

On avait quitté Kim Ki-Duk sur deux films expérimentaux. Quelques chanceux avaient pu voir, à Cannes en 2001, son "Arirang", documentaire en forme d'autoportrait où il jouait divers rôles, laissant entrevoir une personnalité abimée par ses déboires sur son précédent film ("Breath"), à la fois ruiné et questionnant sa capacité à faire à nouveau des films. D'autres ont tenté de supporter son égarement avec "Amen", présenté en compétition à San Sebastian en 2011, insupportable récit des errances d'une femme, à la recherche du père de son enfant, et suivie par un voleur voyeur.

La surprise fut donc immense, lors de la présentation de "Piéta" au Festival de Venise 2012, de découvrir un cinéaste à nouveau inspiré, revigoré par une histoire tordue au possible, source d'une émotion inévitable, quelque part entre le film de gang et le drame intimiste. Retrouvant des qualités formelles indéniables, l'auteur de "Locataires", "Printemps, été, automne, hiver... et printemps", ou encore "L'arc", réjouira ses fans de la première heure, grâce à un scénario tournant autour de la relation malsaine entre cette mère envahissante et indigne, et ce fils fuyant, montagne de violence brute.

Maniant la caméra avec minutie, adaptant ses plans à l'état mental de ses personnages (la mère est très souvent filmée en gros plan, prenant tout l'écran...), le réalisateur déroule avec habileté un scénario malin et moralement discutable, qui joue à la fois de l'émotion et du mystère. Retour dans le ventre de la mère symbolisé par une scène de sexe embarrassante, aide gênante de la mère dans l'affirmation de la virilité du fils, intrusion dans une intimité peu construite, la castration est en route, dévoilant peu à peu les faiblesses d'un personnage principal qui tue finalement tout ce qu'il touche (même un lapin, qu'il a pourtant décidé de libérer...).

On est donc heureux de retrouver Kim Ki-Duk à la barre d'un vrai film de fiction, renouvelant son approche de la sexualité, du rapport à la femme et de l'omniprésence de la violence. Le Lion d'or obtenu par "Piéta" à Venise est donc amplement mérité, célébrant la capacité du cinéaste à rebondir, et à exprimer une douleur immense, au travers d'un personnage de femme saisissant, tout en décrivant en fond, un certain Séoul sur le point de disparaître, fait de petits artisans incapable de faire face à des propriétaires avides d'argent.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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