ELVIS & NIXON
Une comédie bien décalée, sur une histoire qui l’est tout autant
À l’origine, il y a une photographie, l’une des plus consultées des Archives américaines, un cliché immortalisant la rencontre entre Richard Nixon, quelques mois avant que le scandale du Watergate n’emporte sa carrière politique, et Elvis Presley, idole des jeunes et plus grande star du rock’n’roll. Le film nous plonge précisément dans les coulisses de cet évènement, dans les quelques heures ayant précédé cette improbable poignée de main. Car a priori, rien ne semblait prédestiner le Président à côtoyer le King. Et pourtant, déterminé à redorer une côte de popularité au plus bas, l’homme politique va accepter de recevoir le chanteur à la Maison-Blanche et nous offrir un moment historique dont seuls les Américains ont le secret.
Au-delà de la dimension loufoque de ce postulat, Liza Johnson construit son métrage comme une vraie comédie, en renforçant l’absurde des situations et en grossissant habilement le trait pour que la caricature ne tombe jamais dans la surenchère. Et avec son scénario délirant et ses répliques déjà cultes, "Elvis & Nixon" s’impose étonnement comme l’un des feel good movies de l’été, une petite pépite bercée par des sonorités alléchantes et gorgée de séquences totalement barrées (mention spéciale à l’arrivée d’Elvis à la White House et à la séance de karaté dans le bureau ovale). Peu importe que la réalité soit moins burlesque, cette retranscription fantasmée est une pure jubilation, une relecture extravagante de l’Histoire qui célèbre comme jamais l’excentricité d’êtres voués à vivre dans le paraître. Le film dégage même une certaine nostalgie en capturant l’esprit d’une époque et les doutes d’un chanteur dont la propre identité ne lui appartient plus.
En plus de la bonne tranche de rire, ce biopic original en profite pour dresser le portrait ambigu de l’enfant chéri de Memphis, dont les couches de bijoux dorés ne parviennent pas à refermer les fêlures cachées. Mais le film n’aurait pas été le même sans la prestation grandiose de deux comédiens plus que talentueux. Si l’on savait tous que Kevin Spacey était doué pour jouer les hommes de pouvoir (cf. la série "House of cards"), le voir le faire avec autant de malice et de dérision a quelque chose de profondément savoureux. Et que dire de Michael Shannon dans le rôle d’Elvis Presley ? Lui ressemblant autant qu’un éléphant s’apparente à un chat, l’acteur est pourtant crédible, reprenant des mimiques et une attitude qui rendent chacun de ses gestes crédibles. Et cette entrevue au sommet de devenir également une rencontre cinématographique de haut niveau.
Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur