HAPPINESS ROAD
Tout juste bouleversant
Tchi, qui vit aux États-Unis où elle s’est installée après ses études à Taiwan. Sa grand-mère venant de mourir, elle retourne au pays, retrouvant sa famille, son quartier et sa rue : Happiness Road. De nombreux souvenirs d’enfance refont surface…
"Happiness Road" est l’un des rares films présentés Hors compétition au dernier Festival d’Annecy, dont on se demande encore pourquoi il ne figurait pas dans la course pour la récompense suprême. Cette histoire de mémoire, d’espoir, d’exil, de famille et de complicité, mêlant dans une construction habile, l’époque d’aujourd’hui et des souvenirs d’enfances, relève en effet d’un récit universel, qui touchera forcément au coeur.
Signifiant la mort de la grand-mère lors d’une des premières scènes, au travers d’un rêve tourmenté que fait l’héroïne, le film nous ballotte entre une vision enfantine du monde teintée de fantastique et une vision plus adulte, marquée par la nostalgie d’une enfance heureuse, un déménagement douloureux, une distance installée. Avec tendresse, la réalisatrice décrit notamment l’évolution du regard envers des parents vieillissant (le père était autrefois un prince héroïque qui sauvait sa fille des griffe d’un chien féroce, la grand-mère était une tueuse de poulets…). Et elle parvient non seulement à saisir les traces du temps qui passe, mais aussi à transmettre le manque de racines et la crainte de reproduire les erreurs du passé.
Côté animation, les rêves se distinguent des deux époques alternées. Le récit principal, flash-back comme époque actuel, se traduit par un dessin traditionnel avec des personnages aux grosses têtes et à l’immense bouche, légèrement ombrés pour mieux ressortir par rapport au décors peints. Il séduit rapidement par la simplicité de son aspect et les expressions qui s’en dégagent. Quant aux rêves, les personnages n’y ont plus de trait de contour et les décors sont représentés de manière plus sommaire.
Mêlant ponctuellement la grande Histoire à celle de cette famille (exode rural, contrôle culturel de la Chine, manifestations pour la liberté d’expression, tremblement de terre dévastateur…), "Happiness Road" se meut peu à peu en une fresque tendre et cruelle, autour de trois amis, d’une grand-mère fantasque, magnifiant la notion de famille. On en ressort la gorge serrée mais plein d’espoir, des souvenirs d’enfance et des anecdotes plein la tête, et avec l’envie d’avoir nous aussi des visions de cette grand-mère perchée sur un poulet géant.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur