ANOMALISA
Bien des interprétations
Charlie Kaufman revient à ses thématiques sur l'identité avec un film d'animation à base de figurines en cire, tourné en stop-motion (image par image). Avec "Anomalisa", il adapte une de ses pièces de théâtre, écrite juste après "Dans la peau de John Malkovich", œuvre à laquelle ce film est intimement lié, notamment par un élément, dont on vous laisse découvrir au sein du récit.
En racontant l'histoire d'un homme qui tente de revoir une femme qu'il a laissée des années en arrière, l'auteur s'attaque aux crises qui jalonnent notre existence, pointant le doute dans ce que l'on a construit et le rêve de vouloir toujours plus grand. Entre analyse subtile de la crise de la quarantaine, évocation du regret d'un grand amour, représentation de la culpabilité liée à l'adultère et échappée fantasmée à la rupture, le scénario invite à bien des interprétations, selon le vécu de chacun.
L'animation – de qualité – permet à Kaufman de tout montrer, notamment des personnes éloignées des canons de beauté dans leur intimité. On est loin des films d'animation pour enfants où la nudité et les bourrelets sont représentés sans tabou, Kaufman ajoutant même une scène de sexe avec cunilingus ! Nous plongeant progressivement dans un monde entre réalité et cauchemar, où tous les personnages ont des voix d'homme, l'auteur nous immerge avec humour dans les méandres d'un cerveau en pleine remise en cause.
Certes, le vertige escompté n'est pas totalement au rendez-vous, mais un certain spleen se dégage de cette œuvre à part qui a reçu le Grand Prix du jury au Festival de Venise 2015. Si elle est à déconseiller aux enfants, qui n'en apprécieront ni le graphisme ni la nostalgie, elle n'en demeure pas moins une œuvre sensorielle qui interpellera chaque homme dans sa nature profonde. Troublant.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur