CARTEL LAND
Un documentaire coup-de-poing au cœur du combat américano-mexicain contre la drogue
« Cartel Land » suit en parallèle l’organisation de mouvements citoyens contre la drogue et les cartels : l’un dans un petit village du Michoacán au Mexique, l’autre en Arizona, le long de la « Vallée de la Cocaïne ». Sauf que cette lutte demande parfois de recourir à des moyens pas très légaux…
Récompensé au prestigieux festival de Sundance, "Cartel Land" a toutes les qualités du documentaire choc, aussi efficace que déroutant. Depuis très longtemps, les cartels de drogue fascinent les cinéastes et nourrissent l’imaginaire collectif avec fantasme et dégoût, mais s’intéresser aux initiatives citoyennes de lutte contre ceux-ci est beaucoup plus rare. Ici, pas de flics super-héros face à de terribles méchants sanguinaires, le film se focalise sur deux mouvements citoyens d’autodéfense, de part et d’autre de la frontière, l’un dans le Michoacán mexicain, l’autre au cœur de la « Vallée de la Cocaïne » en Arizona.
Mais le métrage est également le portrait de deux hommes, deux leaders de ces mercenaires : le vétéran de guerre, Tim Foley, à la tête d’un groupe paramilitaire surentraîné, et José Mireles, celui qu’on surnomme El Doctor, porte-parole d’Autodefensas. Et rapidement, c’est le charisme et les actions du second qui vont prendre le dessus et accaparer l’objectif de Matthew Heineman. Car, entre les interviews et les images sur le terrain, le réalisateur va amener une réflexion sous-jacente : face à la défaillance ou la corruption d’un État, appartient-il aux citoyens de régler eux-mêmes le problème ? Et c’est précisément là que ce documentaire saisissant prend toute sa dimension, en questionnant les agissements des citoyens au lieu de les ériger en héros.
Immersif et sans concession, "Cartel Land" ne nous cache rien, ne prend aucun parti, nous laissant seuls juges. Mieux, le film parvient à esquisser la complexité de ces nouvelles institutions, surlignant la différence entre les discours et les agissements, entre les idéaux et la cruelle réalité. Avec ses images léchées et ses transitions contemplatives, ce documentaire élégant et spectaculaire nous offre une plongée vertigineuse au cœur de territoires gangrénés par le trafic de drogue et de clandestins. Impressionnant, le voyage est bien plus fort que ce qu’aurait pu nous offrir n’importe quelle fiction, parce qu’ici, la réalité est bien sensationnelle, la ligne entre le Bien et le Mal ayant été effacée.
Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur