WHY DON'T YOU PLAY IN HELL?
Réflexion violente et foutraque sur le métier de cinéaste
Le réalisateur japonais Sono Sion continue à tourner au rythme d'au moins un long-métrage par an. Après "The Land of Hope", récit intimiste et assagi des conséquences de la catastrophe de Fukushima, l'auteur a présenté en 2013 au Festival de Venise, son dernier film, "Why Don't You Play in Hell?", une œuvre foutraque versant dans l'excès et la violence, et au scénario improbable, dont seul Sono Sion lui-même a le secret. Étrange et jouissive ode à l'art qui l'anime, le cinéma, le film interroge sur la nécessité même d'une histoire construite, le réalisateur faisant même dire à sa bande de cinéastes allumés « il y a un scénario ? Ah ? on en a besoin d'un... ».
En mélangeant film de yakuza plus que parodique et comédie sanguinolente délurée nettement branchée geek, le réalisateur met en scène une bande de jeunes cinéastes peu doués (ils filment ce qu'ils peuvent, comme un yakuza blessé rencontré par hasard, et ont produit la risible bande annonce de leur futur film, "Le Sang des loups", un film de samouraïs), soumis à une double deadline, pour retrouver une fille échappée de ses ravisseurs et tourner un film « de commande ». Assez bordélique et plutôt anecdotique, "Why Don't You Play in Hell?" fait preuve d'une furieuse et toujours renouvelée envie de cinéma, et enchaîne les tournages de vrais combats (un peu longuets...) livrant une véritable déferlante de violence au cœur de laquelle les fans trouveront quelques morceaux de bravoure (un père décapité, une tête fendue, un baiser mortel à base de verre brisé...).
Reste que le film interroge sur l'interaction entre le cinéma et la vraie vie, et sur la probité du désir de cinéma à rendre fou. La fin justifie-t-elle tous les moyens ? Tout le monde est-il un acteur en puissance ? L'usage de la réalité donne-t-il forcément du bon cinéma ? Un scénario est-il indispensable ? L'auteur japonais survole ces quelques petites questions, en invoquant un possible Dieu du cinéma, et livre une œuvre bancale mais réjouissante, bercée de musiques des années 70, et dans laquelle sa propre ombre semble flotter jusqu'à la dernière image, avec ce réalisateur au rire de fou, qui s'enfuie avec les bobines...
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur