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MY JOY

Un film de Sergei Loznitsa

Une habile construction

Georgy, chauffeur routier, emprunte une autoroute pour un voyage supposé habituel. Mais les ennuis commencent lorsqu'il subit un contrôle routier peu utile. Arrivant à échapper à l'attention des policiers, il se retrouve coincé dans un bouchon et accueille à bord, un peu malgré lui, une jeune prostituée. Essayant de prendre un chemin de traverse, il se retrouve dans un village, puis perdu en plein champs. Il va devoir passer la nuit dans son camion...

L'ukrainien "My joy" (Mon bonheur) est un captivant premier film, signé de Sergueï Loznitsa, réalisateur jusque-là d'une dizaine de documentaires. La construction à peu près linéaire de sa première partie, dotée cependant d'un flash-back central (une histoire se passant en 1946), vire de manière soudaine dans une seconde, à une inattendue apparente complexité, du fait de la longueur d'un second flash-back, dont le lien avec le reste de l'histoire, paraît loin d'être évident au premier abord.

Dans une Russie où corruption et abus de pouvoirs semblent être une règle quotidienne, l'auteur fait d'abord évoluer un jeune routier, qui à force d'obstacles (douaniers véreux, accident provoquant un bouchon...) finit par prendre un chemin de terre censé lui permettre de retrouver la route plus loin. Et, à l'image du personnage, plutôt curieux et sûr de lui-même, le spectateur peut s'amuser ou s'inquiéter des rencontres qu'il fait, d'un vieil auto-stoppeur envahissant à une prostituée mineure.

Puis le récit grimpe d'un cran dans l'angoisse, une fois la nonchalance du personnage principale mise de coté. Les loups sont lâchés et les flash-back se mélangent, explicitant de manière assez confuse l'acte final d'un des protagonistes. Il faut bien avouer que c'est justement cette confusion, matinée d'un imperceptible mystère, qui fait tout le charme de ce film fleuve hors normes. « My joy » est ainsi un film envoûtant, qui dépeint une Russie reculée faisant preuve d'un certain mépris et d'un esprit revanchard vis-à-vis de la capitale.

Il pointe également du doigt un manque de solidarité évidente, résultante d'un passé où l'humain-même était réprimé par peur de la dissidence. Un état d'esprit qui se traduit formidablement par une simple phrase : « vole, mais ne te mêle pas des affaire des autres ». Une chose est sûre : un auteur est né.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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