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VERS MADRID - THE BURNING BRIGHT

Un film de Sylvain George

Mouvement contestataire

Le 15 mai 2011, des manifestations ont lieu dans de nombreuses villes d’Espagne, pour réclamer une réelle démocratie. De nombreux citoyens se rassemblent alors pour protester contre la crise et les mesures d’austérité. Quelques jours plus tard commencera l’occupation de la place de la Puerta del sol à Madrid par ceux qu’on appellera « les indignés »…

Il y avait dans les principes mêmes du mouvement 15 M (15 de mayo, ou 15 mai en français) un sujet en or pour un documentaire fouillé, humaniste et politique. Malheureusement, en invoquant le « newsreel » et en choisissant d'évoquer cet épisode de l'histoire récente de l'Espagne, sans l'assortir de commentaires, sans esquisser une explication documentée sur la condition du pays, Sylvain Biberkopf se tire une balle dans le pied. En se contenant de donner à voir prises de paroles, manifestations, et répression, il ne donne ni idée de l'ampleur réelle du mouvement, ni ne réussit à retranscrire l'indignation de fond parcourant toute la société espagnole.

De plus, en choisissant le noir et blanc pour représenter les débats, les manifestations, en bref la plupart des événements du présent, entrecoupés de pauses oniriques entre feuillages et nature, tournesols qui s'oriente vers le soleil (comprenez les autres villes ou pays vers « la Puerta del sol ») il renforce malheureusement potentiellement l'idée que ses détracteurs (ou ceux du 15M) ne manqueront pas de développer : les théories et idées présentées ici par les intervenants et manifestants ne seraient que des utopies, de nobles rêves issus d'une époque révolue (Mai 68 notamment). Et d'adouber ainsi maladroitement un corolaire idiot que soutiennent les partisans du capitalisme à tout crin : il est inutile de vouloir changer les choses.

Ce que met au moins en évidence ce film est la capacité d'une partie de la population espagnole à se rebeller contre l'état des choses, contre le système et les accusations d'immobilisme faites aux États de l'Europe du sud. Ce peuple, qui envie aux français leur propension à descendre dans la rue pour faire savoir leur désaccord, a su s'organiser pour structurer un mouvement pendant plus d'un an et demi, porteur d'espoir et de solidarité. Mais Sylvain Biberkopf ne dit rien des suites politiques du mouvement (le « parti » Podemos...), celui-ci préfèrant nous laisser sur des intervenants contestant l'entrée dans la logique de l'ennemi, et donc scandant l'inutilité du modèle démocratique actuel. Quelqu'un n'aurait-il pourtant pas dit : "si tu ne peux vaincre ton ennemi, embrasse-le" ?

Mêlant maladroitement des images de la croix géante de la Valle de los Caidos à San Lorenzo de El Escorial (monument symbole pour les franquistes, situé à une trentaine de km à l'ouest de Madrid) sans amener aucun commentaire, il évoque certes l'esprit d'un système répressif visant à réduire les droits des citoyens (une loi a été votée réduisant le droit à manifestation) et les risques de dérives fascistes. Pourtant globalement, pour qui ne connaît que peu l'Espagne, ou n'a pas suivi hors des médias principaux les événements de cette période, le minimalisme du travail documentaire effectué ici n'apportera que peu d'éclairage, sur les causes de la crise, sur les projets dispendieux de constructions publiques (à peine évoqués ici, et seulement pour les initiés, notamment sous forme d'une hilarante imitation d'une figure politique locale...), sur la précarité grandissante, ni même sur l'ampleur du mouvement 15 M. Et c'est bien dommage, car il aurait été la moindre des choses et des services à rendre, que ce documentaire s'adresse aussi au plus large public.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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