XENIA
Touchant
Présenté au dernier Festival de Cannes dans la section Un certain regard "Xenia" est un petit film indépendant grec, dans lequel le spectateur accompagne un touchant duo, composé de deux frères de mère albanaise, partant à la recherche de leur père grec, qu'ils ont à peine connu. Après une installation rapide qui décrit la jeunesse des deux personnages, Dany a 16 ans, est ouvertement homosexuel, mélange de candeur et d'agitation permanente, l'autre en a presque 18, fait figure de sage et vit d'un boulot précaire, le scénario pose rapidement les enjeux et ambitions des deux garçons. Car n'ayant pas la nationalité grecque, il seront tous deux expulsables dès leurs 18 ans atteints. La recherche du père est donc d'une logique implacable, lui seul pouvant les reconnaître et leur permettre de rester dans ce qu'ils considèrent comme leur pays. Leurs rêves sont simples, disposer d'une vie meilleure, et s'incarne pour le plus jeune, dans la potentielle participation de son grand frère au concours de chant de la « Greek Star ».
Cette nationalité, ils la réclament comme un dû, masquant à peine le manque affectif qu'ils ressentent, flagrant chez le plus jeune, plus discret chez le plus âgé. Le metteur en scène s'amuse d'ailleurs à mettre en image quelques moments fantasmés ou rêvés par Dany, qui en disent long sur le manque qui le gangrène. Prennent ainsi vie à l'image de très belles idées, telle une pelouse où il s'endort qui devient un douillet torse poilu (souvenir supposé du paternel déserteur), un ensemble d'objets quotidiens plus grands que lui qui figurent l'intérieur d'un rassurant sac à main qu'il ne lâche jamais, ou encore une rencontre avec une version géante du lapin qu'il promène partout.
Décrivant leur parcours du combattant pour rejoindre ce père qui les a abandonnés, "Xenia" séduit autant par sa fantaisie que par le double portrait qu'il dessine et la description d'une complicité entre deux frères fondamentalement différents. Décrivant en toile de fond un pays en pleine crise, dont les franges sombrent dans la xénophobie, le film traite de manière directe du mépris de l'immigré et de la montée d'un inquiétant fascisme déguisé en patriotisme (leur père lui même serait devenu candidat d'extrême droite). Comme le symbole d'un pays qui se serait retourné contre ses enfants, on attend la scène de confrontation entre cette jeunesse qui ne peut se priver d'espoir et ce père lâche jusqu'au bout.
Sortir de l'enfance, accepter ses blessures et l'éventuelle trahison de ceux qui vous sont proches, sont autant de thèmes qui se mêlent, dans ce film foutraque au charme indéniable, bercé par les chansons de Patty Pravo (« La bambola »), qui d'un ton nostalgique préfère s'achever sur un regard commun tourné vers l'avenir. Un élan d'espoir incarné par un jeune cinéma grec qui n'en finit pas de surprendre.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur