LES GARÇONS ET GUILLAUME, À TABLE !
Truculent récit autobiographique
Premier long-métrage de Guillaume Gallienne en tant que réalisateur, et aussi adaptation de sa propre pièce de théâtre à succès, "Les garçons et Guillaume, à table !" puise son titre dans une expression que sa mère utilisait lorsqu’il était enfant. Une expression qui fait sourire, mais qui en dit long sur la place à part qui était attribuée à ce garçon maniéré, qui assuma pendant de longues années une étiquette qu’on décida de lui coller. Pourtant, c’est un regard tendre et gorgé d’amour que Gallienne pose sur sa mère, qu’il interprète lui-même avec un talent de transformisme inouï. C’est aussi une jolie déclaration qu’il fait aux femmes, qui l’ont de tout temps fasciné, telles des icones d’un idéal qu’il voulut atteindre pendant des années.
Décidant de raconter son histoire depuis la scène de son spectacle, l’apprenti cinéaste transmet d’emblée l’idée que les troubles de sa jeunesse sont derrière lui. Il n’hésite pas à s’illustrer comme un adolescent benêt et naïf, jouant à fond la carte de la fille manquée, avec l’art de la comédie qu’on lui connaît bien. S’enchaînent alors les épisodes les plus croquignolets, de son séjour linguistique en Espagne où il apprit à danser comme les femmes sévillanes, à ses études en Angleterre où il dû s’essayer à activités sportives bien viriles, en passant par un séjour en pensionnat français, où ses camarades de chambrée le traumatisèrent par leurs exercices masturbatoires nocturnes contre leur matelas (situation dans laquelle il est recommandé de penser à l’Angleterre !).
Usant d’effets narratifs emboités mêlant petits trips personnels (jouer à Sissi en s’enroulant dans son duvet), intrusions de réalité (le père qui débarque en demandant pourquoi le duvet) et scènes de vie réelle (la mère qui apparaît à l’impromptu comme dans un mirage), Gallienne s’adonne aux mises en abyme multiples pour rythmer son récit et créer d’inlassables comiques de situation, bien souvent hilarants. Les répliques font mouche, surtout quand elles sont prononcées par la mère, et les gags un peu potaches trouvent leur place sans qu’on s’en offusque. Surtout, la toile de fond dramatique, car c’est bien d’un problème d’identité et d’un mal-être enfoui dont il s’agit, transparaît par touche avec beaucoup de subtilité, apportant à l’ensemble une lecture touchante, émouvante même, de ce que vit le personnage. Ainsi, il n’est pas rare de passer du fou rire à la gorge nouée, face à un cheminement psychologique digne d’un parcours du combattant.
Vous l’aurez compris, "Les garçons et Guillaume, à table !" est une belle comédie de l’intime, une œuvre certes nombriliste mais chargé d’ondes positives, qui frise la leçon de vie. Un geste cinématographique courageux et ambitieux qui, derrière la volonté cathartique, honore largement la mission qu’il s’est donnée : enthousiasmer une salle entière pendant près d’une heure et demi.
Sylvia GrandgirardEnvoyer un message au rédacteur