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LA VIE D'ADÈLE

La vie. Tout simplement...

Adèle est une jeune et jolie lycéenne qui se questionne sur ses relations avec les garçons. Un beau gosse, qui a tout pour lui, lui tourne autour mais elle n’est pas emballée. L’Amour est-il à chercher du côté du sexe opposé ? La vue de cette fille aux cheveux bleus et à la démarche assurée l’a troublée. Les rencontres fortuites, le coup de foudre, ça existe vraiment ?

Alors que "Vénus noire", joyau noir et brut, était sans doute son plus film le plus dur et le moins accessible, Kechiche signe avec "La vie d'Adèle", un cinéma qui le réconciliera à coup sûr avec ses détracteurs de la première heure. Pas de choc de cultures, pas, ou très peu, de jouxtes verbales des quartiers qui en ont tant agacés dans le formidable "L'esquive" ou "La graine et le mulet". Ici, plus qu'à l'accoutumée, la communication passe par le non-verbal. Avec ses plans très serrés aux plus près de ses actrices, Kechiche prouve à tous qu'une expression faciale révèle infiniment plus d'intensité que de filmer les évènements se déroulant devant les yeux ses personnages. Même si l'on sait que le montage découvert à Cannes n'est probablement pas définitif, le tempo de ces plans collés aux visages est déjà parfait. À l'issue de saisissantes disputes, ils prolongent la tension, à l'issue de scènes d'amour brulantes d'authenticité, ils prolongent la tendresse.

Et Kechiche sait qu'il peut se permettre de ne pas quitter ses actrices de sa caméra. Une fois encore, il prouve qu'il peut tirer le meilleur de ses comédiennes. Elles se donnent entières, corps et âme, autant lors de scènes charnellement passionnelles que pour les disputes, lors desquelles le sentiment de trahison prend le pas sur l'amour qu'elles ont pu ressentir. Le réalisateur dévoile une nouvelle fois une pierre brute, qu'il a finement taillée afin qu'elle incarne à la perfection, parfois même dans la douleur, les traits de l'héroïne, révélant ainsi au monde son immense talent. Son nom : Adèle Exarchopoulos, une jeune actrice d'à peine 18 ans, ayant écumé les petits rôles (dans "La Rafle"" et "Tête de turc", notamment) jusqu'à la rencontre de cet accélérateur de carrière qu'est Abdellatif Kechiche. Il lui donne ici l'occasion d'interpréter une incroyable palette d'émotions à mesure que son personnage évolue. D'abord innocente lycéenne inconsciente de son insaisissable charme, il suffit d'une coupe de cheveux, d'un subtil changement de jeu pour montrer que le temps a passé et qu'Adèle s'est affirmée aux coté de sa si chère Emma (l'impressionnante Léa Seydoux), qui la délaisse peu à peu pour son art.

Le fait que, Le Bleu est une couleur chaude, la bande-dessinée de Julie Maroh ayant servi de matériau d'origine à son nouveau film, traite d'une histoire d'amour entre deux lesbiennes, laisserait à penser que Kechiche ait choisi d'adapter cette œuvre pour évoquer la discrimination et le choc des mœurs. Ce serait ne pas se douter de l'absolue universalité du sujet: l'Amour passionnel exprimant, à la manière de Marivaux, à quel point quelque chose d'indéfinissable peut manquer au cœur lorsque l'on est sur le point de passer à côté de son âme sœur. Le regard inquisiteur des gens ou de la famille face à la relation de ces deux femmes n'est qu'à peine évoqué, pour se concentrer sur le premier regard, la première rencontre, la découverte des premiers émois, les premiers baisers passionnés, l'ivresse des premières étreintes, les premiers doutes, les premiers élans de jalousie gangrénant un couple, la première déchirure, le premier deuil d'une relation ayant pris tant d'importance dans une vie. "La vie d'Adèle", le film des premières fois, qu'elles soient futiles ou considérables, démontre de la plus magnifique des manières que l'Amour n'a pas de genre, de couleur, ni de frontière.
Sublime.

Alexandre RomanazziEnvoyer un message au rédacteur

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