HIGH RISE
Schématisation au couteau des sociétés capitalistes libérales
On pouvait bien se demander ce que nous réservait Ben Wheatley pour son prochain film après un " A Field in England" pour le moins désarçonnant. Cet alchimiste des genres qui aime visiblement marier des tons difficiles à associer s'essaie encore sur cette pente glissante. Et une fois de plus, c'est quitte ou double. Comme avec "Kill List" ou encore "Touristes !", soit on adhère au parti pris du bonhomme, soit on reste sur le bas-côté. Pour le coup, il est un peu difficile de rentrer dans cet immeuble au style seventies, désuet/futuriste, fourmillant de personnages hauts en couleurs mais surtout grand-guignolesques par bien des aspects.
Nous avons d'abord la mère de famille constamment enceinte élevant une tripotée de gamins aux pères différents, vu qu'elle couche visiblement avec l'ensemble du casting. Puis on en découvre une autre, bien des étages au-dessus, un peu plus sophistiquée, aux allures de femme fatale que les aristocrates s'arrachent. Les aristocrates, d'ailleurs, ne sont obsédés que par l'argent et les orgies que la femme de l'architecte de tout ce bazar (excellent Jeremy Irons, comme d'habitude) organise. L'architecte lui, est complètement dépassé par la tournure que prend son projet et surtout comment les occupants se l'approprient et vivent ensemble. Seul le personnage principal semble être sain d'esprit dans tout ce désordre car, c'est normal, il faut quelqu'un auquel le spectateur puisse se rattacher. On comprend très vite où veut en venir J.G. Ballard, l'auteur du roman "I.G.H" dont est tiré le film, et donc, par extension, Ben Wheatley puisque lui et sa comparse Amy Jump livrent avec « High Rise » une adaptation très fidèle.
Toute la déliquescence de nos sociétés modernes capitalistes, privilégiant les possessions sur le bien-être des personnes en tant que communautés, est bien entendu visée ici et avec une bonne grosse cible rouge vermillon. Les étages du dessus s'accaparent sans vergogne les ressources de ceux du dessous pour s'adonner à leurs mondanités. La frustration s'accumule et dès qu'un événement majeur intervient au sein de cet équilibre qui ne tient qu'à un fil, c'est bien évidemment la débandade et l'inévitable émeute. Ben Wheatley ne fait pas dans la dentelle et aborde son film comme un Terry Gilliam auquel on aurait amputé le génie visuel. Mais ce qui est plus gênant, c'est que le réalisateur ne parvient pas à maintenir le rythme de son récit ni l'équilibre des tons adoptés. Ainsi, lorsque tout part en vrille dans cet immeuble, la deuxième heure est juste pénible de longueurs et redondances qui n'ont que pour objectif d'appuyer la désolation dans laquelle ce projet de société s'enlise. Bien que ce soit une critique très féroce et juste des effets pervers du capitalisme libéral des sociétés occidentales (rappelons que livre a été publié en pleine guerre froide), la forme, peu subtile, ne sublime malheureusement pas le fond.
Alexandre RomanazziEnvoyer un message au rédacteur