THE HOST
Cinéma de genre…de tous les genres
Un scientifique américain décharge des litres de produits toxiques dans la rivière Han à Séoul… Au bord de celle-ci Park Hee-bong tient un petit snack où il vit avec les siens, et notamment son fils, l’immature Gang-du, qui peine à s’occuper de sa fille Hyun-seo. Un jour, un monstre géant et inconnu jusqu’à présent, surgit des profondeurs de la rivière. Quand la créature atteint les berges, elle se met à piétiner et attaquer la foule sauvagement, détruisant tout sur son passage. Le snack démoli, Gang-du tente de s’enfuir avec sa fille, mais il la perd dans la foule paniquée. Quand il l’aperçoit enfin, Hyun-seo est en train de se faire enlever par le monstre qui disparaît, en emportant la fillette au fond de la rivière. La famille Park décide alors de partir en croisade contre le monstre, pour retrouver Hyun-seo…
Au même titre que son compatriote Park Chan-Wook, Bong Joon-Ho est l’un des grands artisans de la vitalité du cinéma coréen. Après son formidable polar Memories of Murder, il s’attaque ici au film de monstre, dans un mélange des genres aussi improbable que franchement jubilatoire. Après une introduction qui pastiche les films catastrophes des années 50 avec son scientifique dément, le récit n’aura de cesse de nous transporter d’un registre émotionnel à l’autre, avec un sens de la digression incroyablement assumé.
Les scènes potentiellement effrayantes ou haletantes sont ainsi désamorcées par un humour sauvage et délirant souvent en contrepoint de l’action. Pourtant, le film ne sombre jamais dans la parodie, Bong conservant acrobatiquement l’équilibre entre l’humour, l’émotion et l’effroi. Le film de monstre n’est dès lors qu’un écrin lui permettant de délivrer une satire incisive de la société coréenne et de l’impérialisme américain. Le monstre y représente autant une menace qu’une excroissance des maux du pays, et ceux de la famille Park en particulier. La question de la famille hante le film d’un bout à l’autre, et en recherchant la petite Hyun-seo, les protagonistes cherchent surtout à se réhabiliter les uns envers les autres, et surtout envers eux-mêmes.
Cette richesse thématique va de paire avec la richesse des tonalités du film, qui s’achève dans un final épique et lyrique contrastant avec la somme de scènes burlesques. Non content de maîtriser son discours à la perfection (même si la charge anti-américaine n’est pas exempte d’une certaine lourdeur), Bong en maîtrise aussi la forme, des apparitions du monstre à la virtuosité des mouvements de caméra, en passant par une utilisation de la profondeur de champ d’une grande acuité. Ajouter à cela des effets spéciaux remarquables, et l’on tient là un des meilleurs films de l’année, qui dépasse de très loin son étiquette de « film de monstre ».
Thomas BourgeoisEnvoyer un message au rédacteur