AU POSTE !
Dupieux à l’aise… peut-être un peu trop !
Un homme se retrouve au poste de police pour faire sa déposition concernant un cadavre qu’il a lui-même retrouvé en bas de son immeuble. Mais le commissaire qui l’interroge y voit déjà le suspect n°1 d’un meurtre potentiel. Le début d’une longue nuit riche en surprises…
Quentin Dupieux allait-il réussir à « transformer l’essai » après le zénith magistral de "Réalité" et une filmographie marquée jusque-là par de sacrés pics en matière d’absurdité ? Mais modestie n’est pas signe de régression pour autant, et le réalisateur le prouve assez brillamment avec "Au poste !" : une situation simple (une garde-à-vue dans un commissariat), des acteurs en condition (un « duel » Poelvoorde/Ludig au poil) et un récit zinzin qui part un peu dans tous les sens. Simple. Peut-être un peu trop simple, mine de rien. Ce n’est pas qu’on attende désormais de Dupieux la lune en matière de perspectives comiques absurdes et barrées, mais de la part de l’un des trois meilleurs entrepreneurs de refonte de l’humour hexagonal (avec Michel Hazanavicius et Eric Judor), disons que la tiédeur du concept n’est pas du genre à donner une pleine satisfaction. La (légère) semi-déception ressentie devant "Au poste !" ne tient finalement qu’à une chose : pour la première fois de sa carrière, Dupieux paraît se reposer sur ses acquis en matière de traitement au premier degré d’une réalité qui pousse à mille tous les curseurs du dérèglement nonsensique. Comme on reste client du truc, ça passe quand même. Mais bon…
Au rayon des bonnes idées originales, il ne faudra compter ici que sur le personnage décalé joué par Marc Fraize, la particularité « anatomique » de ce dernier et ses dialogues bien perchés suffisant en soi à nous dérider les zygomatiques. Pour le reste, ce vaste concept de relecture d’un événement passé dans laquelle viennent s’immiscer des personnages alors en pleine discussion ne fait que trop rappeler les astuces narratives d’un Bertrand Blier sur "Buffet Froid" et "Les Côtelettes" – deux films qui poussaient déjà le concept assez loin. Hormis cela, "Au poste !" ne propose rien de neuf : des seconds rôles qui font le job absurde avec tact (Anaïs Demoustier) ou qui jouent les utilités dans le cadre (Orelsan), un final super-ubuesque que l’on pressent venir sans pour autant savoir de quoi il va s’agir (une habitude chez Dupieux) et des quiproquos bien rigolos qui assurent une chouette détente pépère pendant 1h15 (durée très courte). "Au poste !" sera donc facile à résumer : une recette qui marche, un réalisateur qui assure dans un domaine qu’il maîtrise, mais tout de même une sensation de redite qui fait sourire à défaut de susciter la surprise. Pour son prochain, on espère que Dupieux visera plus haut dans le décalage, d’autant qu’on le sait capable d’aller plus loin que les autres sur ce terrain-là.
Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur