THE CANYONS
Hollywood et ses producteurs tous puissants
Annoncé comme le film à scandale du Festival de Venise 2013 où il était présenté dans la section Orrizonti, le nouveau film de Paul Schrader ("American Gigolo") dresse un effrayant parallèle entre les métiers de réalisateur et de producteur, et le besoin masculin de contrôle dans une relation amoureuse ou de couple, voire au delà, dans la relation sexuelle elle-même. S'ouvrant sur une série de points de vues sur des cinémas désaffectés voire délabrés, il assoit d'emblée également son propos sur le monde d'Hollywood en prise à des producteurs tout puissants, et à des acteurs peu professionnels. Et il enfonce le clou avec une mise en scène dont les relents de télé réalité laissent entrevoir à la fois la mort du cinéma au profit d'une télévision ou d'un internet voyeuristes, et celle de toute notion de vie privée.
Il est aidé en cela par un scénario signé Brett Easton Ellis, auteur du roman American Psycho, qui s’attelle à disséquer la superficialité des relations et à montrer la capacité de la technologie à effacer les limites entre privé et public, permettant à son soupçonneux personnage principal de surveiller les agissements de sa compagne. Et derrière la prétendue opposition entre vision « old fashion » du couple et approche « de confiance », il dessine une certaine hypocrisie, tout en rappelant qu'en amour, tous les coups sont permis. Arpentant une nouvelle fois les chemins de la perversion, l'auteur mêle allègrement business et sexualité, secrets, chantages et autres manipulations.
Comme le dit le personnage méprisant du producteur, aujourd'hui « plus personne n'a de vie privée », et c'est finalement le caractère même de la technologie qui est questionné au travers du film, qu'elle agisse comme vecteur de liberté ultime (le site de rencontre « Amore »...) ou comme outil de surveillance (téléphone portable, vidéo omniprésente...). Tels des personnages de sitcom, aussi factices que le monde dans lequel ils évoluent, les personnages dessinent aussi les contours d'un Hollywood peu reluisant, où les producteurs se prennent pour des réalisateurs, allant jusqu'à manager leurs propres sessions de sexe à la manière d'un metteur en scène. Besoin de tenir les rennes, d'avoir une prise sur l'autre, mèneront ici à une fin en forme de thriller, bordée de certains clins d’œil, comme l'apparition de Gus Van Sant en psychiatre pour producteur dépressif ou agressif. Un film intéressant sur le fond, qui marque le retour devant la caméra de Lindsay Lohan, depuis retournée à ses divers problèmes judiciaires.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur