MÖBIUS
Un honnête film d’espionnage avec une Cécile de France métamorphosée
Éric Rochant s’était illustré il y a vingt ans avec un film d’espionnage, « Les Patriotes », mettant notamment en scène Yvan Attal et Sandrine Kiberlain avec les services secrets israéliens du Mossad en arrière plan. Un des meilleurs films français d’espionnage à ranger aux côtés de « Nikita » de Luc Besson dans un tout autre style ; l’un étant ancré dans une réalité quasi documentaire tandis que l’autre ne reniait pas son héritage américanophile grandiloquent mais terriblement efficace. Aujourd’hui, avec « Möbius », Éric Rochant choisit de s’insérer dans l’entre deux. Soit un film d’espionnage au scénario plutôt bien ciselé, au charme ravageur incarné par ses deux principaux comédiens, avec certes peu de scènes d’action mais un suspense haletant.
Rochant a une base solide. Son scénario, millimétré, est complexe avec ses multiples agents secrets, ses retournements de situation, ses enjeux personnels et professionnels entremêlés (comprenez comment gérer une histoire de fesses dans un boulot qui normalement l’interdit). Loin des clichés du genre, de ceux du monde de la finance ou des services secrets, il apporte une réelle crédibilité à ses personnages dans une guerre plus à la « Margin call » qu’à la « Skyfall ». La réalisation est tendue avec une grande multiplication des plans, et le soin apporté à la lumière est notable. Rochant mélange les genres en développant une histoire de séduction et d’amour qui donne vie à des scènes d’une grande sensualité où la chair et l’intime dominent.
Les comédiens sont également pour beaucoup dans la réussite du métrage. Jean Dujardin, dans son premier rôle tourné après son Oscar pour « The Artist » est loin des ses précédentes interprétations où il en faisait souvent des tonnes. Il est ici beaucoup plus proche d’un rôle comme dans « Un Balcon sur la mer » de Nicole Garcia. Intériorisé, il impose naturellement sa stature et son charme en agent russe dépassé par les événements et les sentiments. Cécile de France, quant à elle, trouve ici un rôle de femme comme on l’a rarement vue en endosser (si ce n’est peut-être dans « Un Secret » de Claude Miller) abandonnant son sempiternel côté femme-enfant pour devenir femme fatale. Seules ombres au tableau, la complexité parfois dérangeante de l’intrigue et ce petit ingrédient de magie qui manque et qui aurait élevé le métrage au rang de grand film d’espionnage.
Mathieu PayanEnvoyer un message au rédacteur