L'AUBERGE ESPAGNOLE
Une évocation nostalgique d'une jeunesse en liberté
Un jeune étudiant français, promis à un certain avenir dans un ministère, part en Espagne, dans le cadre d’un échange ERASMUS. Il va découvrir les joies et les péripéties de la vie en communauté…
La revendication du bordel de la vie et des multiples facettes de la personnalité. L'auberge espagnole nous conte la construction d'un individu. Son personnage principal, passe sous nos yeux, du garçon qui subit les situation et les gens, au jeune homme qui s'essaye, qui expérimente (l'initiation à l'amour), à l'homme qui décide, qui prend l'initiative. C'est ici la vie en communauté qui lui fait prendre conscience de sa nature, de l'adéquation de sa personne avec un univers bariolé, européen, multilingue… Il est évident alors qu'il ne peut revenir en arrière, sans se brider fortement.
Cédric Klapish creuse son sillon de peintre de la jeunesse passée, de sa confrontation avec l'avenir. Comme dans 'Peut-être', il s'inquiète des décisions de son personnage principal et de l'avenir que cela va générer (un métier épanouissant ici, un gamin dans Peut-être, qui rencontrait alors son père, dans un futur apocalyptique). Finalement, il s'agit pour lui de devenir quelqu'un de bien, de ne pas se renier, d'aimer son futur. En définitive de choisir son destin.
Il y a certainement matière ici à un futur film culte, pour une nouvelle génération. La scène finale, où Romain Duris tape à la machine, des photos par dizaines, répandues sur le plancher, fait étrangement penser à la scène finale de Trainspotting, mais empreinte d'un discours plus positif et moins cynique. Klapisch n'est ainsi jamais aussi à l'aise que dans ces films qui parlent de la jeunesse et de sa liberté, avec nostalgie, mais sans regrets aucuns.
La séparation du groupe, est inévitable, non qu'il s'agisse uniquement d'une artificielle échéance estudiantine, mais simplement que cela ne peut durer toute la vie qu'à l'intérieur de chacun, ou à travers d'autres rencontres. Ainsi, les chemins se brouillent peu à peu, à l'image de la saoulerie dans un bar, où le metteur en scène offre une vision double de l'ensemble des personnages au spectateur. Comme un mirage qui s'estompe peu à peu.
Côté casting, on découvre avec plaisir dans ce film, que Romain Duris sait jouer les garçons comme il faut. Il est ici étonnant de calme, le cheveux sage et aplani, contrastant avec ses nombreux rôles de jeune débordant d'énergie, au caractère frondeur et souvent légèrement shooté. Son personnage démontre avec bonheur que l'attitude ne dépend pas de l'image. Judith Godrèche, elle, joue les pimbêches. Son personnage arbore un air idiot, mais reste conscient d'un certain état de léthargie et de soumission dans lequel il évolue. Comme quoi l'émancipation n'est pas à la portée de tout le monde, et certaines personnes ne se trouvent jamais elles-mêmes.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur