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BI, N'AIE PAS PEUR !

Un film de Phan Dang Di

Douceur et amertume

Le petit Bi, 6 ans, vit dans une grande maison de Hanoï avec ses parents, sa tante et la cuisinière. Son quotidien insouciant, entre jeux dans la grande fabrique de glaces et les terrains vagues enherbés, est bousculé le jour où son grand-père malade, absent depuis des années, réapparaît. Tandis qu’une relation se crée entre eux, les autres membres de la famille, eux, vont vivre chacun des choses bien différentes…

Pour un premier film, « Bi » présente bien des qualités. Visuelles tout d’abord, grâce à sa lumière bienveillante et ses jolis plans mettant en scène les différents personnages dans les environnements qu’ils affectionnent (le gamin dans les couloirs de l’usine, la sœur dans les herbes hautes proches du lycée où elle enseigne…). Dans l’écriture également, puisque chacun des univers décrits (les soirées alcoolisées du père, les trajets en bus de la tante, le quotidien de femme au foyer de la mère…) réussit à générer, pari audacieux, un réel intérêt pour chaque personnage, là où un effet de dispersion aurait pu se faire sentir. Dans l’interprétation enfin, car s’il est vrai que le petit Bi est mignon tout plein, les membres de sa famille, aussi différents soient-ils, sont impeccables.

Pendant 1h30, le film propose donc une incursion dans la vie d’une famille, avec son lot naturel de non-dits (qu’a-t-il bien pu se passer pour que le père de Bi évite ainsi son propre père ?), son petit rythme tranquille (chacun vaque à ses occupations), son unité de lieu fédératrice (la maison familiale) et ses portraits individuels, sans doute l’aspect le plus réussi du film. Du côté des femmes notamment. Le trouble qui gagne la tante – jeune enseignante à la beauté extraordinaire -, lorsqu’elle croise le regard d’un adolescent dans un bus, n’est pas qu’un simple épisode de sa vie sentimentale. C’est aussi toute une fenêtre sur sa condition de femme et de trentenaire célibataire, qui sent la pression sociale sur elle s’appliquer. Son émoi, palpable, teinte le film d’une délicate poésie. Du côté de la mère, femme au foyer dévouée envers sa famille, c’est un tout autre portrait qui nous est donné à voir : celui d’une femme socialement établie mais ignorée par son mari, qui trouve du réconfort ailleurs. Sa solitude et son sens de la famille la poussent à faire preuve, à l’égard de son beau-père malade, d’une incompréhensible mais attendrissante dévotion.

Bien que son titre le laisse supposer, et malgré quelques scènes touchantes entre le petit garçon et son grand-père, « Bi, n’aie pas peur » est donc loin d’être un film sur l’enfance, ou sa confrontation avec le monde adulte. Ponctué de petits riens du quotidien, il expose les mécanismes mystérieux de la famille, et la façon dont les femmes, par leur abnégation, parviennent à préserver cette sacro-sainte institution. Un premier film doux-amer qui vaut largement le coup d’œil.

Sylvia GrandgirardEnvoyer un message au rédacteur

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