PROMISED LAND
Gus Van Sant à son meilleur avec une comédie du point de vue des lobbyistes
Steve et Sue, deux représentants d’un grand fournisseur énergétique, tentent d’obtenir l’autorisation de différents agriculteurs, de forer leur terre, à la recherche de gaz naturel. L’enjeu est pour eux colossal, car les gisements semblent considérables et parce qu’un vote favorable des habitants de cette petite ville du fin fond des États-Unis leur ouvrirait les portes de tout un Comté, voire de tout un État. Mais c’est sans compter sur les arguments d’un enseignant fort respecté, ni sur l’arrivée dans les parages d’un activiste écologiste…
Sujet particulièrement sensible en France, puisque l'exploration des gisements même y est aujourd'hui interdite, le gaz de schiste est apparu aux États-Unis comme un véritable miracle économique, dévoilant une potentielle richesse inestimable du sous-sol, et réduisant la dépendance énergétique du pays. Mais le mode d'exploitation – le fractionnement hydraulique-, associant nombreux forages traversant les nappes phréatiques et injection d'eau sous pression, accompagnée de produits chimiques, est de plus en plus critiqué pour ses conséquences écologiques, notamment sur la qualité de l'eau, voire de l'air.
C'est ce sujet sensible et fortement d'actualité, qu'ont finalement pris pour toile de fond Matt Damon (qui interprète Steve) et John Krasinski (l'activiste écolo), auteurs d'un scénario écrit sans y faire initialement référence. Car ce qui intéressait les deux acteurs était avant tout la structure de cette comédie, centrée pour une fois sur les lobbyistes, et évitant ainsi l'angle du thriller sans pour autant abandonner un certain suspense. Prenant donc, sur un sujet assez proche de celui d' "Erin Brokovich", le contre-pied du film de Steven Soderbergh, le nouveau Gus Van Sant ("Elephant", "Prête à tout") se savoure donc comme un match tactique entre deux parties tentant de gagner les faveurs d'habitants du milieu rural.
C'est dans la peinture de ce dernier, que l'on retrouve la patte du cinéaste, dressant avec tendresse et un brin de nostalgie, le portrait d'une Amérique profonde exsangue ayant pris de plein fouet la crise. Alors que la comédie fonctionne à plein régime, les personnages secondaires, à qui démarcheurs et activiste ne s'intéressent que par pur intérêt, symbolisent toute une frange de population, devenue presque majorité, aujourd'hui délaissée par la classe politique et incapable de vivre décemment, mais toujours désireuse de croire à un possible miracle économique. Rien que pour cela, on pardonnera donc à Gus Van Sant une conclusion un peu trop facile, et on se réjouira des situations cocasses et du cynisme d'un scénario résolument efficace.
Critique également publiée dans le magazine Exit
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur