L'EXORCISME DE HANNAH GRACE
« L’exorcisme d’Anne agresse »
Exorcisme… Le mot en lui-même est angoissant. Il suffit de l’entendre ou de le lire pour avoir en tête des images sombres : celle d’un prêtre qui avance dans la pénombre, ou d’une chambre congelée qui enferme un monstre. A partir du moment où ce mot apparaît dans le titre d’un film, il se retrouve en compétition directe avec l’œuvre initiale de William Friedkin. Cela n’a pourtant pas beaucoup de sens ici étant donné qu’il ne s’agit pas d’une suite. Pour autant le parallèle est inévitable, pour la simple et bonne raison qu’avec "L’exorciste", Friedkin a fait comme Spielberg avec "Les dents de la mer", il a tué le genre en même temps qu’il l’a créé. C’est-à-dire qu’il a traité le sujet avec tellement de brio que tous les films d’exploitation qui suivront derrière ne lui arriveront pas à la cheville.
La question ici n’est pas de savoir si le film est à la hauteur de celui de 1973. C’est effectivement loin d’être le cas, mais peu importe. Ce qui nous frappe ici n’est pas tant un manque de talent dans la réalisation, qu’un manque de profondeur dans le propos. La mise en scène et la photographie sont efficaces, le décor est glaçant... ce qui est déjà pas mal, certes, mais là n’est pas le problème. Non, la question qui se pose est de comprendre pourquoi la thématique de l’exorcisme a été choisie pour ce long-métrage ? Et c’est là que la comparaison historique est utile. Si l’on se penche sur "L’exorciste" (et on pourrait en faire de même avec ses suites directes), que trouve-t-on ? Un récit long et malsain, qui ose débuter par un retour aux origines du mal et qui n’hésite pas à s’attarder patiemment sur la vie privée d’un prêtre soumis au doute. C’est une œuvre profonde qui cherche à saisir la densité d’un questionnement sur la nature du bien et du mal. L’idée n’est pas tant, pour les protagonistes, de se préparer à un combat contre une entité irréelle que de se confronter à leurs propres conflits intérieurs. L’affrontement avec le démon Pazuzu réincarné dans le corps d’une fillette pouvait être considéré comme la métaphore d’un combat moral philosophique dont la portée dépasse le cadre de la froide maison qui l’abrite.
Or tout cela est balayé ici. Il n’y a pas de questionnement réel. Le cinéaste se contente d’affubler son héroïne d’un semblant de traumatisme pour lui donner un minimum de consistance, mais il n’y a aucun enjeu sous-jacent. Suffit-il de pondre un personnage vaguement torturé pour faire croire à un travail d’écriture sérieux ? L’exorcisme dont il est question intervient seulement en scène d’ouverture, ce qui constitue un parti-pris intéressant en soit, mais il semble clairement être un simple prétexte pour justifier ensuite la réanimation d’un cadavre belliqueux. Visiblement pour le réalisateur, tout l’intérêt d’un être possédé est de pouvoir faire craquer ses membres continuellement, parce que cela fait peur, et de faire léviter ses victimes en position de crucifixion, parce que c’est plus impressionnant. Point. Alors si l’on veut simplement se donner quelques frissons un samedi soir, c’est parfait, mais si l’on prend le sujet au sérieux, on repassera.
Au final ce film ne doit pas grand-chose à celui de Friedkin, on a le sentiment que le réalisateur a surtout été marqué par le « spider walk » (lorsque Reagan descend les escaliers à quatre pattes avec beaucoup de souplesse) et la tête qui tourne à 360 degrés. En réalité "L’exorcisme de Hannah Grace" ressemble plutôt à une nouvelle version de "The Jane Doe identity", sorti en 2016, qui s’intéresse lui aussi au cadavre d’une jeune femme qui atterrit dans une morgue et manifeste des pouvoirs surnaturels terrifiants. Mais lui ne s’embarrassait pas d’une histoire d’exorcisme venue de nulle part et assumait au contraire tout le mystère qui entourait son sujet d’autopsie.
Certain verront dans "L’exorcisme de Hannah Grace" une rupture bienvenue avec le classique original et le renouvellement du genre, mais ne serait-ce pas plutôt à son appauvrissement continuel que l’on assiste ?
David ChappatEnvoyer un message au rédacteur