JE NE PEUX PAS VIVRE SANS TOI
Jamais sans ma fille
Inspirée d’un fait divers, cette histoire d’un père délaissé par sa compagne et ensuite renié dans sa paternité, a de quoi attendrir et indigner. Comment ne pas craquer devant le minois de cette gamine pleine d’amour et d’admiration pour son père, qui lui-même invoque par son air perpétuellement abattu, toute la compassion du monde ? C’est un peu le défaut de ce film, qui aurait pu être une très tendre histoire d’amour entre un père et une fille, mais qui tombe malheureusement dans le pathos.
En se rendant à Taipei, capitale économique et administrative du pays, pour résoudre tous ses problèmes, le protagoniste se retrouve victime d’un système qui le dépasse complètement, enchaînant les échecs et les humiliations. A travers ce périple, le portrait dénonciateur que Leon Dai fait du système, n’a certainement rien d’exagéré, et l’on imagine très bien que de telles aberrations puissent exister, à Taïwan ou ailleurs. L’ennui est que cette étape scénaristique conjugue assez maladroitement la critique sociale et la chronique familiale, collant, entre deux scènes de déroute, des séquences un peu trop guillerettes sur la complicité père / fille. Le film offre de belles qualités formelles, et notamment une photographie de toute beauté (sans doute le plus beau noir et blanc depuis « Tetro » de Coppola), mais il souffre d’un manque de retenue dans l’expression des sentiments et des injustices qui assaillent notre héros.
Heureusement, le film retrouve son unité dans sa dernière demi-heure, en se recentrant pleinement sur le protagoniste masculin. Ce retour vers une certaine linéarité contribue enfin à faire monter l’émotion, notamment dans cette scène inattendue, où quelques mots prononcés par une directrice d’école suffisent à rendre au père sa légitimité. On est alors saisi par toute la beauté de ce personnage, qui a su faire le choix du sacrifice, et non du renoncement.
Sylvia GrandgirardEnvoyer un message au rédacteur