SAN ANDREAS
Un film sur une faille… et avec plein de failles !
Cuisiner un bon film catastrophe, dans le fond, ce n’est pas sorcier. Prenez une situation propice à de la destruction à grande échelle (un volcan, un immeuble en feu, un séisme, un tsunami, etc.), placez-y une poignée de personnages désireux de sauver la peau de leurs proches (s’ils forment une cellule familiale, c’est encore mieux), mettez le paquet sur les effets spéciaux spectaculaires, faites en sorte qu’il y ait au moins plusieurs centaines de cadavres dans le film, ajoutez même si possible un petit topo écologique pour rendre la menace encore plus crédible (donc encore plus flippante), et voilà, votre plat est prêt. Sauf que si la recette est simple, il faut quand même que le cuisinier ait un bon tour de main, histoire de ne pas se tromper dans les dosages. Jusque-là habitué à des films infantiles de qualité très pauvre (on lui doit l’indigeste "Comme chiens et chats"), Brad Peyton ne réussit aucun exploit avec "San Andreas", si ce n’est celui de nous faire bailler lorsque tout explose sur l’écran.
Certes, la règle de base d’un bon film catastrophe est de ne pas se limiter à du dégât dévastateur qui intervient tous les deux raccords de plan. Le facteur humain entre toujours en compte dans l’équation pour aboutir à un suspense de qualité, immersif et spectaculaire en diable. Le problème de "San Andreas" n’est pas de rater en beauté la mise en valeur de ses scènes de destruction, ici assimilables à de la grosse bouillabaisse numérique et franchement hideuse, où quelques acteurs et actrices en tee-shirt mouillé gigotent devant un fond vert. Non, le gros souci, c’est que les enjeux humains, en plus de s’imposer comme les plus éculés du système solaire, ne font que nous resservir une soupe tiède sur l’importance de la famille (décidément…) et du mariage (forcément…). D’où un héros divorcé mais vaillant, qui renouera fatalement avec madame lorsqu’ils s’en iront ensemble sauver leur fille en danger, évidemment abandonnée en plein chaos par son nouveau beau-père (forcément un costard-cravate qui finira ad patres à mi-chemin). Sans parler de la présence du timide de service qui, situé au même endroit que la fille, se découvrira bien sûr une âme de sauveur jusqu’à faire bisou-bisou avec elle… À ce stade, ce n’est même plus du cliché, c’est carrément du décalquage.
Au final, trop occupé que l’on est à regarder sa montre tout au long d’un film bourré de failles alors qu’il était censé n’en montrer qu’une seule, on ne sauvera que deux éléments de qualité. D’abord la présence extrêmement agréable d’Alexandra Daddario, dont le physique plus qu’avantageux ne l’empêche pas de composer un personnage attachant et jamais réduit au rang de faire-valoir sexy. Ensuite le choix de Dwayne Johnson, clairement le gros point fort du film : l’acteur bodybuildé n’a désormais plus à prouver ses aptitudes pour jouer les héros cool et investis, et il confirme surtout à quel point il peut se révéler crédible dans un rôle sérieux, à l’image de ce père traumatisé et déterminé. On ne serait vraiment pas contre l’idée de le voir à l’œuvre dans ce registre exclusif, loin des blockbusters hollywoodiens auxquels il est sans cesse raccordé. Pour autant, jouer un sauveteur hors pair ne suffit pas ici à éviter au film sa chute libre dans le précipice.
Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur