Festival Que du feu 2024 encart

PAPERBOY

Un film de Lee Daniels

CONTRE : Niveau 0 – L'auteur de Precious effleure son sujet

Floride, 1969. Ward Jansen, reporter au Miami Times, retourne dans sa région natale de Lately pour enquêter sur la condamnation d’un chasseur d’alligator. Accompagné de son jeune frère Jack et d’un collègue journaliste, il est venu à la demande de Charlotte, une femme pulpeuse qui entretient une correspondance torride avec le détenu, et a bien l’intention de le faire sortir de prison pour l’épouser…

Le second film du réalisateur de « Precious », remarqué à Sundance et à Cannes il y a trois ans, prend la forme de l'interview d'une servante noire, relatant les déboires de Ward Jansen, reporter, et de son jeune frère Jack, durant l'été 1969. Centré sur le personnage le plus jeune, il tente de dresser le portrait d'un jeune homme inexpérimenté, plus fasciné par la femme qui a amené son frère à revenir dans la région (une « fan » de prisonnier, comme il semble en exister beaucoup aux États-Unis), que par l'enquête qu'il doit aider à mener en jouant dans un premier temps les chauffeurs, rôle ingrat auquel il ne saurait se cantonner.

Offrant au dernier festival de Cannes l'une de ses plus belles montées des marches, on retrouve à l'affiche le chouchou de ces demoiselles, Zac Efron (la série gentillette et rythmée signée Disney des « High school musical »), Matthew McConaughey en reporter dont certains penchants sont à peine dissimulés, et Nicole Kidman, saisissante en groupie irrationnelle qui entretient une correspondance avec Hillary (John Cusack), un prisonnier inquiétant sur le point d'être exécuté. Cette dernière est d'ailleurs certainement le seul intérêt du film, retrouvant ici un rôle à sa mesure, en nymphomane retorse.

Car dans le fond l'enquête ne passionne guère. Seule la peinture en toile de fond d'un contexte social où les gens de couleur étaient encore méprisés donne un peu de relief à ce film dont le scénario s'efface une nouvelle fois au profit de la mise en scène. Lee Daniels, plutôt adepte d'effets (trop) voyants, arrive cependant parfois à mettre mal à l'aise, comme lors de la première rencontre entre le détenu et sa future femme, une scène de masturbation à distance qui dérange forcément par son impudeur. Mais de manière générale il réussit surtout à agacer, soulignant inutilement des passages déjà suffisamment dramatiques en eux-mêmes, et les transformant presque en éléments involontairement comiques (les plans flous où Charlotte doit uriner sur les piqures de méduses de Jack, la baise furieuse sur la machine à laver, la scène de la fin avec le plan zénithal sur un canot...).

Ressort cependant une vision inquiétante des marais de Louisiane, lieux hautement cinématographique, dont l'imagerie relève d'un mélange de fascination et d'inquiétude. Certes les réalisateurs ont tendance à abuser de la symbolique qu'ils recèlent, d'autres films sortant ces temps-ci se déroulant dans des lieux comparables, prisons ou dernier refuge (« Mud », « Les bêtes du sud sauvage »). Pourtant la peinture de ce monde reculé et dangereux, où les humiliations semblent constituer le nectar d'un quotidien miséreux comme aisé, semble sonner juste, alors que l'enquête qui se déroule sous nos yeux se déroute presque de sujet, peu aidée par un découpage stylisé et inutilement complexe.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

BANDE ANNONCE




Powered by Preview Networks

Laisser un commentaire