UNE VIE TRANQUILLE
Les conséquences de la vie
Rosario, quinquagénaire d’origine italienne, est l’heureux propriétaire d’un restaurant en Allemagne, où il mène une vie paisible avec sa femme et leur fils. Jusqu’au jour où deux jeunes Italiens, dont l’un semble bien le connaître, viennent frapper à sa porte…
« Une vie tranquille » est l’histoire d’un homme ayant changé de vie pour échapper à son passé. La quiétude qu’il reconquiert alors s’incarne au travers d’un restaurant, d’une jolie famille et de préoccupations uniquement liées au quotidien, preuve d’une vie plutôt simple et linéaire. Or tout cela ne dure jamais, et des éléments du passé refont surface, sous les traits de visiteurs qui viennent considérablement déstabiliser notre homme. On pense immédiatement à « History of violence » de David Cronenberg (2005), qui retraçait sensiblement la même histoire dans un registre nettement plus musclé. On se rappelle également les « Conséquences de l’amour » de Paolo Sorrentino, sorti la même année, dont le héros (Toni Servillo lui-même !) devait lui aussi renoncer à sa « vraie » vie et se résoudre à mener une existence coupée du monde.
Ceci dit, le film de Claudio Cupellini (dont c’est le premier long-métrage qui nous arrive en France) n’est en rien une pâle copie des films précédemment cités. Doté d’un scénario solide, qui met habilement en parallèle les différentes facettes du protagoniste sans recourir aux flash-backs (sa vie d’avant vs sa vie d’après, sa famille d’avant vs sa famille d’après) et les dommages collatéraux sur ses proches, « Une vie tranquille » n’a de paisible que l’apparence. En réalité, c’est tout un lot de souvenirs et de souffrances qui, après des années d’enfouissement, peine à se contenir derrière la bonhommie familière de Rosario (remarquable Toni Servillo) et le visage fermé du jeune Diego (Marco d’Amore, tout aussi bon). Et si la violence est à l’origine de tout, elle est ici quasiment exclue. Ce qui pèse, c’est cette fatalité qui s’abat sur les personnages, y compris les innocents, condamnés eux aussi à payer.
« Une vie tranquille » vaut donc par son regard original sur la criminalité, et la vision héroïque qu’il donne de ses plus vils représentants. Car au fond, peut-on dire qu’un homme au si lourd passé est capable de changer ? Rosario ne récolte-t-il pas ce qu’il a semé ? Sans apporter de réponses, le film préfère les conséquences aux causes. Et bien qu’il ne soit pas un produit de suspense et de tension à proprement dit, il offre dans son dernier quart d’heure des rebondissements de qualité, vecteurs d’une charge émotionnelle qu’on n’attendait plus.
Sylvia GrandgirardEnvoyer un message au rédacteur