UNE MERVEILLEUSE HISTOIRE DU TEMPS
Une intemporelle histoire d'amour et de courage
Stephen Hawking est un étudiant prometteur en physique et rencontre Jane, étudiante en littérature. Le coup de foudre mutuel et les ambitions scientifiques de Stephen se heurtent à un obstacle de taille : le jeune homme développe les symptômes de la maladie de Charcot et on lui annonce une espérance de vie très courte…
Le genre du biopic est souvent casse-gueule, qui plus est quand la personnalité au centre du film est encore en vie, car le risque hagiographique est important. S'attaquer à une figure scientifique est un défi encore plus grand car cela sous-entend deux autres dérives possibles : soit la création d'un film incompréhensible pour les non-initiés, soit la genèse d'une vision simpliste du sujet qui pourra exaspérer les connaisseurs. "Une merveilleuse histoire du temps", qui s'inspire de la vie du physicien Stephen Hawking, est plutôt dans le deuxième cas. En effet, son œuvre scientifique est essentiellement utilisée comme arrière-plan ou comme illustration symbolique d'une biographie avant tout racontée d'un point de vue romantique.
Le film n'en perd pas forcément en intérêt, d'autant que l'aspect scientifique de la vie de Hawking n'est pas non plus laissé à l'abandon total. Certaines des principales qualités d'un bon scientifique sont même très bien mises en valeur : la capacité à remettre perpétuellement en cause les idées et les savoirs, en mettant le doute au cœur de la réflexion, ou encore l’opiniâtreté nécessaire pour atteindre des objectifs ambitieux. Les recherches et réflexions du célèbre scientifique britannique servent aussi de fil d'Ariane au récit, qui se centre sur le combat d'un homme contre la maladie et par là son parcours dans l'infernale spirale du temps. La thématique temporelle (que reprend le titre français mais pas le titre original) est à la fois ce qui fait obstacle au personnage et ce qui le motive. Le réalisateur s'en sert comme métaphore et l'illustre dans sa mise en scène, avec des motifs ponctuels de cercles ou de spirales. Dès la scène d'ouverture, il fait se répondre un plan en plongée de Hawking décrivant des cercles avec son fauteuil roulant et un gros plan de roue de vélo. Plus tard, on retrouve pêle-mêle une scène dans un carrousel, un gros plan d'un nuage de lait dans une tasse, un plan d'escaliers en contre-plongée (qui semble faire écho au célèbre plan d'Hitchcock dans "Sueurs froides"), ou encore une scène plus explicite où Jane parle de « remonter le temps » et prend la main de Stephen pour tourner autour de lui dans le sens inverse des aiguilles d'une montre.
Le film dresse ainsi le portrait d'un homme au courage exceptionnel, à la force de vie incroyable, et ce malgré l'atroce et insurmontable pronostic vital qu'on lui annonce alors qu'il n'est encore qu'un jeune étudiant. Qu'il y ait eu des arrangements élogieux avec la réalité ne devrait pas nous importer en tant que spectateur. L'important est ailleurs, dans ce que le traitement fictionnel de cette biographie apporte comme messages, comme espoirs et comme émotions. Face à l'épée de Damoclès que le diagnostic initial place au-dessus de sa tête, le jeune Hawking pourrait baisser les bras, se laisser mourir, d'autant qu'il n'a même pas une croyance à laquelle se rattacher. Au contraire, il fait de son athéisme et de ce défi médico-temporel des alliés inattendus : il refuse tout dessein divin et tout déterminisme médical. Avec deux moteurs à l'énergie apparemment inépuisable : la science et l'amour. Or, ces deux moteurs sont entrelacés et finissent par suivre la même logique : le personnage croit en leurs forces respectives mais il laisse la porte ouverte aux évolutions, aux changements, refusant par là une immuabilité illusoire – en ce sens, la science et l'amour s'opposent à toutes les visions dogmatiques et sonnent comme un refus de l'impossible.
L'une des principales forces de ce film tient dans sa remarquable distribution. Eddie Redmayne y est impressionnant dans le rôle principal, relevant le challenge physique avec brio – qui peut rappeler par certains aspects la performance de Mathieu Amalric dans "Le Scaphandre et le Papillon" mais avec ici un rôle bien moins figé et plus évolutif. Pour l'encadrer, Felicity Jones est rayonnante et émouvante, David Thewlis juste et Charlie Cox touchant d'humanité. Au final, "Une merveilleuse histoire du temps" souffre principalement de deux défauts : d'une part un certain essoufflement dans la dernière partie, qui fait penser que le film aurait pu être raccourci, d'autre part la médiocre séquence dans l'hôpital français. Dans une atmosphère digne d'un soap ringard où les personnages passent rapidement de notre langue à l'anglais, le médecin français y est incarné par... Franck Lebœuf ! Un choix bien étrange au regard de la qualité d'ensemble de la distribution. Cette scène provoque une rupture de ton assez dommageable car l'émotion n'est guère possible malgré l'aspect dramatique du moment. Une faute de goût regrettable.
Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur