AVRIL ET LE MONDE TRUQUE
Passionnant de bout en bout
Bien sûr le monde décrit ici semble d'emblée familier, puisqu'il convoque un dessin classique de bande dessinée, avec un univers graphique créé par Tardi, l'auteur de la série Adèle Blanc-sec. On y retrouve son goût pour l'architecture et les machines, avec son intrigue se situant dans une Europe industrielle, aux couleurs éteintes. Une intrigue en forme d'enquête, complexe dans ses tenants et aboutissants, et rendue accessible par une fine écriture de scénario.
Le film emporte immédiatement l'adhésion, notamment dès le générique qui nous transporte dans son époque avec les noms incrustés dans les décors, puis lors de la scène d'introduction choc qui se situe dans un laboratoire, enfin avec le résumé en voix-off de la situation et de l'évolution du monde. Créant en quelques minutes une Histoire alternative, où les plus grands savants sont enlevés et l'humanité encore à l'âge de la vapeur en l’an 1931, le métrage pose aussi, grâce à une musique aux violons dominants, les bases d'un film où le suspense est un ingrédient phare.
Situant l'essentiel de son action en 1941, alors que l'héroïne est devenue une jeune adulte, le film aligne les décors impressionnants et les inventions improbables comme un téléphérique qui relie Paris à Berlin, et dont la première station n'est autre qu'une double tour Eiffel... Comme autant de détails, on y apprend la construction d'un pont entre notre continent et la Grande-Bretagne, et on aperçoit, parmi les véhicules réquisitionnés par l'armée, une armure de Dalek (clin d'oeil discret à la série "Docteur Who").
L'aventure est donc au rendez-vous, mais l'humour n'est pas en reste, notamment avec les réflexions cyniques ou moqueuses de Darwin, le chat doué de parole. Et ceux qui recherchent absolument du fond pourront aussi lire dans le film un discours écolo avec le souci de marquer ses propres limites. Si "Avril et le monde truqué" est peu original sur la forme par rapport aux récentes productions françaises en matière d'animation (voir le mélange audacieux de techniques pour "Adama", la cohérence picturale de "Phantom Boy", ou encore la superbe 3D de "Mune, le gardien de la lune"), le film s'impose au final comme le plus passionnant en termes de récit et le plus captivant du point de vue de l'univers proposé. Un régal pour les enquêteurs en herbe, autant que pour les fans de Jacques Tardi.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur