KATE PLAYS CHRISTINE
Un documentaire original, palpitant et exaltant
Il y a quelques jours, la presse américaine révélait que la vidéo du suicide en direct d’une présentatrice de télévision, Christine Chubbuck, existait bel et bien et avait été retrouvée. Pourtant, ce n’est pas la première fois que l’on entendait parler de cette mystérieuse journaliste en cette année 2016. Quelques mois auparavant, au festival de Sundance, deux films évoquaient cette affaire. L’un est une fiction avec Rebecca Hall et Michael C. Hall, l’autre un documentaire - ou plus exactement un docu-fiction ou une fiction-documentaire. Car dans "Kate plays Christine", la frontière entre la fiction et le réel n’a jamais été aussi trouble à l’exception peut-être du travail de Peter Watkins.
La caméra suit ainsi Kate Lyn Sheil, une jeune comédienne chargé d’interpréter la désormais célèbre Christine. Pour préparer son rôle, elle se rend à Sarasota, en Floride, pour essayer de comprendre les motivations qui ont pu pousser cette journaliste à se tirer une balle en pleine tête devant les quelques milliers de téléacteurs de la petite chaîne locale, Channel 40. Néanmoins, on comprend rapidement que l’on assiste à un documentaire pas comme les autres, et que l’actrice ne prépare pas un véritable rôle. Tout est alors prétexte à s’interroger sur comment on peut mieux connaître une personne, voire même ce que c’est d’être un être humain. Le métrage alterne des séquences d’une fausse fiction (celle dans laquelle Kate Lyn Sheil est censée jouer) et le parcours de celle-ci pour retrouver des personnes ayant côtoyé la présentatrice.
Captivant et fascinant, "Kate plays Christine" est à la fois une plongée dans le psyché et les doutes d’une actrice en devenir, et une chronique quasi-policière pour essayer d’élucider un mystère. Mais là où le scénario est très fort, c’est que son procédé permet de faire évoluer notre perception de cette histoire sans jamais pourtant traiter frontalement le sujet. En effet, alors que cette mystérieuse cassette suscite tous les désirs inavouables dans les premières minutes, elle devient progressivement un objet quelconque jusqu’à provoquer notre dégoût. Tout sauf putassier ou voyeuriste, le film de Robert Green est au contraire un pamphlet intelligent et passionnant contre notre tendance à se délecter de l’abject. Un film à ne surtout pas rater, autant pour son propos que pour sa forme !
Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur