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Un film de Cédric Jimenez

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Militaire renvoyé de la marine allemande dans les années 1930 pour faute grave, Reinhard Heydrich est entraîné dans le nazisme par sa femme Lina. Très vite, sous l’impulsion de Henrich Himmler dont il est d’abord le bras droit, il gravit les échelons jusqu’à devenir chef de la Gestapo puis haut dirigeant nazi en Tchécoslovaquie. Devenu l’un des hommes les plus redoutés du régime d’Adolf Hitler, il est vite chargé de définir un plan d’extermination définitif : la « solution finale ». Au même moment, deux résistants tchèques sont parachutés dans le pays à la suite d’un long entraînement à Londres. Leur mission : éliminer Heydrich…

D’abord le titre, très déroutant au premier abord : il s’agit en fait du sigle allemand d’une phrase signifiant « le cerveau d’Himmler s’appelle Heydrich », surnom donné à ce dernier par les soldats SS. Un détail qui révèle un point déterminant de la Seconde Guerre Mondiale : ce moment où, quelques temps avant d’être assassiné par deux soldats tchécoslovaques, le terrible Reinhard Heydrich se met à imaginer et à coucher sur papier les grandes lignes de la « solution finale ». Considéré comme l’homme le plus dangereux du IIIe Reich, ce criminel de guerre – ici incarné par un Jason Clarke particulièrement glaçant – constitue l’épicentre de l’intrigue du nouveau film de Cédric Jimenez ("La French"), lequel décrit son ascension au sein du régime nazi dans une première partie relativement illustrative, certes dynamisée par un montage assez nerveux mais tout de même limitée à décrire de façon très scolaire comment un militaire indiscipliné deviendra peu à peu un abominable bourreau.

Durant ces trois quarts d’heure d’introduction, on sent que Jimenez s’en tient à réciter les faits – ici basés sur un livre éponyme de Laurent Binet – en misant sur quelques scènes chocs pour remuer les tripes et sur le regard ambigu de Rosamund Pike (ici en proto-aryenne terrifiée par le monstre qu’elle a elle-même créé) pour susciter le malaise. Du moins jusqu’à ce qu’un événement – l’assassinat de Heydrich en pleine rue – ne fasse soudain basculer le récit. C’est hélas ici que le film, jusqu’alors très basique dans sa fabrication, révèle son absence totale de point de vue de mise en scène. En effet, tenter le virage à 180° en adoptant cette fois-ci le point de vue des résistants et en illustrant les préparatifs de l’assassinat avait tout de la fausse bonne idée. D’abord parce qu’une telle cassure narrative, ici trop tardive, donne moins l’impression de voir un film-fleuve qui engloberait chaque élément historique que de suivre une hydre à deux têtes qui proposerait deux films en un – un montage parallèle entre les deux intrigues aurait été bien plus approprié. Ensuite parce que le film arrive hélas après la bataille : en effet, un autre film nommé "Anthropoid" – sorti directement en DVD en 2016 – avait déjà exploré en détail le déroulé de cette opération d’assassinat, et ce en se limitant au point de vue sacrificiel des deux tireurs résistants.

De ce fait, il n’est pas possible de voir "HHhH" comme autre chose qu’un film on ne peut plus scolaire, assez peu travaillé sur la narration et souvent enclin à privilégier l’éparpillement de tous les faits sur la concentration autour d’un fait précis. En étant incapable de structurer un récit avec une direction précise, en étant trop attaché à vouloir suivre deux points de vue censés englober un moment-clé de l’Histoire (une idéologie nazie à son paroxysme d’un côté, une résistance prête au sacrifice de l’autre), Jimenez en est réduit à reproduire le même problème que sur "La French" : il voudrait tutoyer le registre de la fresque ample et rebelle quand il ne réussit qu’à lorgner du côté de la série B lourdement illustrative. Sa solide direction d’acteurs et son savoir-faire en matière de montage lui suffit amplement pour sauver les meubles. Mais au final, on se dit que les majuscules et les minuscules du titre auraient dû être inversées : ici, on n’a pas une histoire qui permettrait d’englober les enjeux de l’Histoire, mais plusieurs histoires qui laissent hélas l’Histoire à l’état de toile de fond schématique.

Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur

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