TANGO LIBRE
Vecteur extérieur
Plus qu'une histoire de danse ou de prison, « Tango libre » est avant tout une histoire d'amour à quatre voix, au milieu de laquelle un jeune adolescent (interprété par Zacharie Chasseriaud, découvert dans « Géants » de Bouli Lanners) se retrouve malmené malgré lui par des histoires d'adultes qui le dépassent forcément. S'ouvrant sur des images au ralenti, présentant un braquage de convoi d'argent qui se termine en fusillade, le film nous embarque ensuite pour la prison et un cours de tango, seule fantaisie d'un triste geôlier devenu vieux garçon. C'est là que, par un hors-champ plutôt approprié, puis par un plan sur ses jambes, le réalisateur introduit celle par qui tous les espoirs et tous les tourments arriveront.
Esquissant progressivement un quadruple portrait, le scénario la décrit d'abord comme la femme des deux braqueurs, ayant eu un enfant de l'un d'eux, décrivant un personnage dynamique et vivant, capable de s'adapter à son interlocuteur de manière presque imperceptible. La première scène de parloir, présentant deux dialogues en parallèle, est de ce point de vue une brillante démonstration de découpage. En permanence entichée de son fils, elle ne sait plus trop comment gérer sa compréhension de la situation, qui fait visiblement souffrir le jeune garçon (quand on l'interroge sur le métier de son père, il indique que ce dernier est mort...).
« Tango libre » séduit avant tout par la fragilité masquée de ses personnages et la justesse de ses interprètes. Récit de l'éveil des sens chez un gardien de prison (François Damiens) à la vie étriquée comme celle de son poisson rouge vieux de 15 ans qui ne bouge presque plus, « Tango libre » est aussi l'occasion d'interroger la notion d'espoir chez deux prisonniers aux caractères très différents (Sergi Lopez en nerveux hidalgo et Jan Hammenecker, imposant Flamand à la tête de gars tranquille, mais qui bout intérieurement) et pour la femme qui les attend dehors (Anne Paulicevich, pétillante).
Par ses scènes décalées, telles l'interpellation d'un caïd argentin pour apprendre le tango ou les leçons prises en prison, le film séduit et surprend autant qu'il convainc, en jouant la carte d'un réalisme sublimé. Si le dernier quart d'heure soulèvera, quant à lui, plus de réserves, il n'en reste pas moins que ce joli scénario pointe une vérité indéniable et douloureuse : « quand on aime, on choisit ».
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur