THE MONKEY KING 2
Une séquelle sauvée in extremis
On ne peut clairement pas dire que "The Monkey King" ait été une agréable surprise. Lorgnant avec insistance du côté d’un wu xia pian tendance bouillabaisse digitale (vous savez, du genre "Wu Ji"…), avec des SFX d’une laideur effarante et un exotisme de carte postale comme seule caution folklorique, le résultat était même assez indigeste. Mais voilà, son méga-triomphe en Chine aura suffi à convaincre son cinéaste Soi Cheang ("Dog Bite Dog", tout de même !) à mettre en chantier une suite encore plus ambitieuse. Or, le problème central reste toujours le même : si le personnage du Roi Singe possède un joli relief dans le cadre d’un film d’animation (qui existe, par ailleurs), sa cristallisation en live sous les traits d’un véritable acteur costumé laisse pantois. Lorsqu’on l’observe, on pense tout de suite qu’il ferait meilleure impression en travesti dans un spectacle rococo. Et lorsqu’on l’entend rire, c’est à peine si l’on ne pense pas au désormais oublié Mike Myers à la mauvaise époque de "Love Gourou".
Pour le reste, les choses ont effectivement été vues en grand pour cette suite, mais pas sous l’angle que l’on croit. Pour être honnête, "The Monkey King 2" ressemble moins à un film inspiré qu’à un vaste melting-pot de tout ce que le cinéma d’aventures populaire a pu nous proposer depuis que le celluloïd existe. On y retrouve, en vrac, un méchant à tête de Skull, une sorcière démoniaque qui vit dans la maison de Superman, un guerrier mi-geïsha mi-cochon (!) qui devient le sanglier de "Razorback", un Dhalsim barbu aussi bleuté que les Na’avis d’"Avatar" (aurait-il été recalé au casting ?), une vilaine qui se transforme en une nuée de particules métalliques comme dans "Blanche-Neige et le chasseur", des décors chinois qui rappellent surtout ceux des "1001 Nuits", des créatures-singes calquées sur les mutants de "L’île du Dr Moreau", des squelettes armés façon "Jason et les Argonautes", des batailles survoltées dans les nuages comme chez Tsui Hark (en particulier "La légende de Zu"), un duel final homérique traité comme dans "God of War", et même un scénario à la "Final Fantasy", où les héros affrontent des ennemis en traversant l’équivalent d’un world map tout en se confrontant à une sorcière tourmentée qui cache en elle un lourd passé.
Rien d’original à noter dans tout ce joyeux bordel, tellement encombré de décors trop multiples et de créatures trop variées qu’elle donne au film moins l’allure d’un vrai wu xia pian que celle d’un carnaval zoologique. On a beau pointer quelques enjeux (la tension entre un moine pacifiste et un Roi Singe impulsif reste le cœur du récit) ainsi que quelques clins d’œil aux contes horrifiques (on voit ici un monarque cruel qui boit le sang d’enfants pour guérir de sa maladie), seule l’incapacité de Soi Cheang à imposer un univers crédible en live ressort de cette aventure, au demeurant assez molle du genou pendant une bonne heure. Postsynchronisation foirée pour la divinité, effets spéciaux oscillant entre la cinématique PS3 et les mauvais trucages à l’ancienne, combat avec un tigre dans les airs, cheval qui parle : c’est peu dire que notre suspension d’incrédulité est mise à rude épreuve, malgré une mise en scène qui se veut aérienne – mais n’est pas Tsui Hark qui veut.
Fort heureusement, deux qualités évitent au film d’être du même niveau que son prédécesseur. D’abord une magnifique Gong Li, encore aujourd’hui la plus grande actrice chinoise vivante, donnant à son personnage de sorcière démoniaque une complexité qui va de pair avec la manière dont Cheang sublime chacune de ses apparitions (sa façon d’onduler dans les airs comme un serpent est un festin visuel). Ensuite, un affrontement final contre un gigantesque démon squelettique à la "God of War", qui donne enfin l’occasion au cinéaste de libérer pleinement sa mise en scène et de nous offrir un spectacle démesuré pendant une bonne dizaine de minutes. Homérique et visuellement puissante, la scène nous cloue au fauteuil, et rien que pour elle, visionner le film avec des lunettes 3D s’avère impératif. Cela ne sauve pas le film, mais ça constitue in extremis une petite consolation.
Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur