CANIBA
Un certain sens de l'effroyable
"Caniba" est un film aussi surprenant que perturbant. En approchant deux frères, dont on nous donne à ressentir la folie incontrôlable (le film se termine d’ailleurs sur une chanson ayant ce titre « la folie »), le film procure une sorte de vertige aussi bien visuel que sensoriel, face aux révélations qui ont lieu, à l’aplomb déconcertant de deux hommes totalement en décalage avec la société qui les entoure. Entièrement tourné dans le tout petit appartement de Issei Sagawa, la mise en scène de Paravel et Castaing-Taylor confine à l’étouffement, par l’utilisation du flou et le resserrement général du cadre.
Jouant sur les bruits de déglutition ou de mastication, les très gros plan sur la peau ou sur un membre, leurs images évoquent l’attrait de la chair comme élément tactile et comestible. Dévoilant l’absence d’empathie, la fascination pour le sang, l’obsession pour une « douleur parfaite », le besoin encore présent de consommer de la chair humaine, ce portrait finalement double fait froid dans le dos. Décrivant la maladie, la dépendance de l’un envers l’autre, l’effet parfois d’entraînement, ce documentaire dévoile l’inhumain, l’ironie d’un monde qui a permis à celui-ci de vivre de son propre méfait (il a notamment dessiné un manga décrivant son acte…) et la perspective angoissante d’une récidive. Profondément troublant et éprouvant.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur