LE REFUGE
Seule au monde
François Ozon est l’un des réalisateurs les plus mystérieux de son temps. Avec une aisance et une audace presque insolentes, il passe du fantasque (« Gouttes d’eau sur pierres brûlantes, Huit femmes ») au grave (« 5x2 », « Le temps qui reste ») avec une étonnante constance, s’armant souvent de castings prestigieux. Surtout, il ne cache pas sa fascination pour les femmes charismatiques, qu’elles soient diablement sexy (Ludivine Sagnier dans « Swimming-pool »), hypnotiques (Charlotte Rampling dans « Sous le sable »), manipulatrices (Natacha Renier dans « les Amants criminels ») ou carrément insupportables (Romola Garaï dans « Angel »).
Pour « Le Refuge », il dirige Isabelle Carré, véritablement enceinte lors du tournage, dans un parcours initiatique autour du deuil, de la perpétuation du souvenir de l’être aimé et, plus généralement, du besoin d’amour comme élément vital de l’existence. Le refuge peut être la maison où l’on s’abrite, le ventre de la mère, ou encore la dépendance à la drogue. L’histoire tourne donc autour de thèmes essentiels liés à la vie, et de la nécessité de se recueillir à un moment donné, afin de laisser les choses se faire naturellement, de comprendre un peu mieux qui l’on est vraiment. Parallèlement, Ozon érige une véritable ode à la maternité, filmant avec obsession le corps de Mousse et l’attraction qu’elle exerce tant sur les hommes que sur les femmes. Jusque là tout va bien.
Hélas, la spirale dans laquelle nous entraîne « Le Refuge » n’est ni apaisante, ni exaltante. Après un préambule émouvant - car distancié - sur les circonstances qui poussent Mousse à partir, le film déçoit un peu par sa linéarité et, surtout, son aspect trop contemplatif qui rend opaque toute percée psychologique. Les jours glissent et se succèdent, à la façon d’un « Conté d’été » d’Eric Rohmer, la fraîcheur en moins. Seule Isabelle Carré, métamorphosée (et pas seulement à cause de sa grossesse), intrigue par sa froideur et sa retenue, cristallisant à merveille les sentiments contradictoires qui l’habitent et la rendent délicieusement complexe. A côté d’elle, le reste semble bien superflu : par exemple, l’évolution prévisible de sa relation avec le chanteur Louis-Ronan Choisy, beau mais inconsistant, ou encore la révélation de secrets de familles, terriblement banale. Reste malgré tout un dénouement final simple mais efficace, qui permet au film de résonner quelque peu.
Sylvia GrandgirardEnvoyer un message au rédacteur