TYRANNOSAUR
Peter Mullan entre explosion et implosion
Un homme d’une cinquantaine d’années, passablement alcoolisé, agresse diverses personnes, à un guichet puis dans un bar. Poursuivi par des jeunes qui veulent se venger et effrayé par son propre comportement, il se réfugie dans un magasin où il tombe sur une bigote pleine de bonnes volontés…
Le malheur et la solitude sont-il solubles dans la religion ou toute autre croyance ? C'est en partie cette question que Paddy Considine (« 24 Hour party people », « In America »), ici derrière la caméra, semble se poser avec « Tyrannosaur », une œuvre d'une noirceur rare. Ce film viscéral nous propose d'être témoins de la rencontre de deux souffrances, l'une assumée sous forme d'une rage devenue quasi incontrôlable, l'autre refoulée grâce à la prière. D'un côté, il y a donc le personnage de Peter Mullan, dont la seule forme d'expression semble être l'agression, qu'elle soit physique (sur des jeunes gens dans un bar...), matérielle (sur une vitrine de « pakis »), ou verbale (sur la pauvre bigote qui l'a aidé un instant en l'accueillant dans son magasin). De l'autre, il y a justement cette femme, croyante, qui aime à prier pour les autres, histoire de ne pas se préoccuper de son propre sort.
Car à peine le scénario s'intéresse-t-il à la vie privée de cette dernière, que le sordide envahit l'écran, avec l'apparition dans le jeu d'un mari propre sur lui (Eddie Marsan vu dans « Be happy » et « La disparition d'Alice Creed »), costard oblige, mais qui n'hésite pas à pisser sur sa femme endormie sur le canapé. Un geste qui en dit long sur la manière dont il considère celle-ci. Triplement primé pour ses interprètes au Festival de Sundance 2011, « Tyrannosaur » n'est certainement pas un film optimiste sur l'humanité, le personnage de Peter Mullan (« My name is Joe », « Boy A ») posant en principe son refus de connaître de nouvelles personnes, car « connaître quelqu'un, c'est connaître sa merde ». Comme si à partir d'un certain âge, s'intéresser aux autres devenait impossible, ou simplement hautement risqué, ceci quelles que soient les conditions sociales.
Car le scénario de « Tyrannosaur » se retrouve à la croisée de deux mondes, celui des classes ouvrières et des cités, et celui de la bourgeoisie commerçante, pour arriver à une même conclusion quant à la place de l'humiliation dans les existences de chacun. Faisant une place particulière aux chiens, élément clé du récit, symbole de l'innocence perdue de toute une classe sociale, il indique avec justesse que « un animal peut encaisser une certaine quantité d'humiliation », l'homme étant plus limité dans ses réactions, qui mènent parfois à l'explosion, parfois à l'implosion. Mais au final chacun n'est pas forcément capable de choisir entre l'un ou l'autre, ou de faire face aux conséquences de ce choix.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur