EDEN À L'OUEST
Un film déroutant qui laisse perplexe
Elias, un jeune homme mystérieux à la beauté sauvage, traverse la mer Egée dans un bateau rempli d’immigrés. Echoué en Grèce, où il se mêle quelques jours au personnel et aux clients d’un village-vacances, son charme lui vaut de nombreuses attentions. Mais traqué par les forces de l’ordre, il s’enfuit et enchaîne les péripéties. Son objectif : arriver coûte que coûte à Paris…
Inspiré de l’Odyssée d’Homère, cette fable douce-amère retrace le parcours d’un héros en quête d’un ailleurs. Séduit par un étrange magicien qui l’invite à le retrouver au Lido, à l’ouest de Paris (d’où le titre du film), notre homme se retrouve aspiré dans une épopée aussi rocambolesque que tragique. Même les éléments naturels se déchaînent, à l’image des tempêtes que subit Ulysse lorsqu’il traversa la mer Egée. Il n’y a donc rien de très rationnel à attendre de ce film, un brin mystérieux et franchement allégorique, que l’on peut soupçonner d’être assez personnel (Costa-Gravas fut lui-même immigrant en France en 1956).
Le mystère est d’autant plus grand qu’à aucun moment le pays d’origine d’Elias n’est mentionné. Sa langue est celle des immigrés, or le peu qu’on entend ne ressemble à rien qui existe, si ce n’est à une langue vaguement sémite. Quant à ses motivations, elles restent occultées tout au long du film, comme pour lui donner une portée universelle, voire mystique. Il s’agit donc bien d’un voyage initiatique, parfois empreint de légèreté (l’étrange pouvoir de séduction d’Elias provoque de nombreuses scènes incongrues), souvent grisant (à travers le thème de la fuite en avant), et en tout cas jamais ennuyeux.
Néanmoins, Costa-Gravas peine à trouver le juste ton. Parasité par trop d’invraisemblances, le film manque souvent de consistance. Inégal, il oscille en permanence entre moments de pure grâce, portés par la présence magnétique de Ricardo Scamarcio (jeune acteur italien révélé par “Romanzo Criminale” et “Mon frère est fils unique”), et scènes comiques qui semblent parfois déplacées. A cela s’ajoute une critique sociale forte, délivrée en bloc par le regard désabusé de Costa-Gravas sur les comportements humains. Elias se confronte en effet à une France peu reluisante, guidée par l’individualisme et la xénophobie. De la traque des clandestins à l’exploitation odieuse des sans-papiers, de la persécution des gitans à l’exclusion des populations défavorisées, tous les écueils de la société sont machinalement passés en revue. Malheureusement, tant d’exhaustivité finit par lasser. Peut-être que le film aurait gagné en émotion si Costa-Gravas avait, pour une fois, mis sa révolte de côté et laissé davantage parler son expérience personnelle.
Sylvia GrandgirardEnvoyer un message au rédacteur