SLEEPLESS KNIGHTS
La grandeur perdue
Nouvelle histoire d'amour au masculin, le film espagnol « Sleepless knights » déroule son récit dans les paysages semi-désertiques et les savanes d'Extremadure - les « dehesa » comme on dit là-bas -, sortes de plaines aux grandes herbes, jalonnées d'arbres et isolées. Récit de destins apparemment ordinaires, où les plus jeunes prennent soin des anciens, où les fêtes de villages sont encore des lieux de rencontres et où les plus âgés perpétuent des traditions ancestrales, il nous plonge dans une torpeur estivale propre à réfléchir sur soi-même, sur les siens, et surtout à son avenir.
Film d'ambiances, « Sleepless knights » montre ainsi une région d'Espagne reculée, fière de son passé et perturbée dans le lointain par les remous d'un monde globalisé, symbolisés par le mouvement 15M (mouvement altermondialiste des indignés, lancé le 15 mai 2011 à Madrid). Il file l'ennui comme dominante quotidienne, loin des évocations d'un mode de vie urbain où tout semblait possible. Avec complicité, les réalisateurs observent les anciens reconstituant les faits glorieux de jadis (la prise du château face à l'ennemi maure, en simulant une fausse armée à l'aide de moutons dotés de lampes torches – qui ont remplacé les vraies torches et les taureaux d'autrefois...). Ils mettent aussi en évidence les interrogations de deux amants, amenés à regretter le Madrid animé qu'ils ont tous deux quitté.
Doucement, la fin de saison s'annonce, avec une certaine amertume. Comme si le temps des décisions difficiles était arrivé. L'Espagne a-t-elle finalement renoncé à son esprit conquérant ? Est-il possible de vivre sa différence dans les campagnes reculées où la religion est omniprésente ? Malgré une fin un rien trop appuyée (avec la chanson « Mon frère d'âme » en fond sonore...) « Sleepless knights » vise juste et se révèle une œuvre troublante, au pessimisme fort d'actualité.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur