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COLLISION

Un film de Paul Haggis

Film choral pour préjugés raciaux

Une femme de sénateur, blanche, frissonne à l’approche de deux noirs. Ceux-ci se formalisent de la suspicion dont ils font l’objet, et braquent leur voiture, revolver à la main. Un vieillard d’origine perse veut acheter une arme, et se voit éjecté du magasin car il ne parle pas correctement l’anglais. Un couple de blacks, issus du milieu de télévision, se fait arraisonner par un flic raciste, qui profite de la fouille au corps, pour tripoter la ravissante épouse. Nous sommes à Los Angeles…

Collision est un film choral marquant. Traitant des préjugés raciaux, il dépeint nombre de situations différentes, mettant en scènes de nombreux personnages (une dizaine de principaux), d’origines ethniques diverses (latino, black, perse…). Ainsi, dès les premiers dialogues, le racisme s’installe comme règle, de vie et d’oppression. Un jeune noir explique à son collègue, que les autobus, ont de grandes baies vitrées, pour mieux humilier les blacks qui sont obligés de les prendre, en les rendant visibles aux yeux des autres.

Et le malaise s’installe, l’auteur tentant de nous expliquer que ces préjugés gèrent la plupart des rapports humains à Los Angeles. Entre noirs et blancs, la suspicion d’agression est proche. Vis à vis des latinos, la suspicion d’arnaque règne (même pour un perse qui fait réparer sa serrure…). Au passage, le réalisateur examine les conséquences du 11 septembre, amenant de l’ambiguïté dans les relations, avec les arabes. Même médaillés en tant que pompier, le fait qu’ils soient irakien et qu’ils s’appellent Saddam, les rend suspect…

Mais la suspicion règne aussi à l’intérieur des familles. Les geste les plus gentils (remplir le frigo) ne sont pas ressentis comme tels, seules les agressions, les chocs, les collisions donnent un semblant de contact humain. Chaque geste doit devenir fort pour être ressenti. Et ce film en présente bon nombre. Avec une intrigue savamment orchestrée, on constate rapidement que Paul Haggis sait faire monter la tension par à coup, comme le ferait un Paul Thomas Anderson (voir la scène de la voiture renversée et de l’essence, où il mêle inquiétude et suspicion…). Il sait aussi montrer les moments de faiblesse, de doute, avec ici une judicieuse utilisation de morceaux musicaux chantés, envoûtants…

On doit reconnaître que le talent de Paul Haggis réside surtout dans le tissage de relations complexes, au travers desquelles il sait mettre en évidence les contradictions dans les comportements, et révéler des facettes inattendues. Ses personnages sont eux aussi complexes, apparaissant en premier lieu comme monolithiques, comme ce flic raciste, dont on apprendra plus tard que le père a été licencié à cause des cotas raciaux dans emplois publics… et qui sauvera lui-même la femme noire qu’il a précédemment humilié.

Rien n’est simple donc, dans Collision, et cela donne lieu à quelques magnifiques scènes, comme celle de la cape invisible qui protège des balles la fille d’un serrurier latino, qui résonnera plus tard au travers d’une des scènes les plus intenses du film, à la fin. Ce film est ainsi tissé de belles leçons de vie, de démonstrations d’humanité et de craintes les uns des autres. La stupidité apparente des situations et des coïncidences finit simplement par bouleverser tant on touche à l’intime.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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