MAGIC MAGIC
Une comédie horrifique déroutante
Sebastián Silva est un jeune réalisateur chilien dont on risque fort d’entendre parler dans les prochaines années. Après l’intimiste "Les Vieux Chats", co-réalisé avec son compatriote Pedro Peirano, il se lance dans une production américaine avec deux stars post-adolescentes parmi les plus freaky du moment (Michael Cera et Juno Temple) et livre ici un film de genre surprenant. Oscillant entre teen-movie et thriller horrifique, "Magic Magic" est autant le récit d’un malaise grandissant au sein d’une unité de lieu – une maison angoissante sur une île paumée – que celui du bad trip purement mental d’une jeune Américaine, saine sous tout rapport et pourtant en proie à une aliénation inexplicable.
Faisant planer sur son film une tension à couper au couteau, dans une atmosphère plus étrange que véritablement flippante, Silva met en place un étau qui se resserre doucement mais sûrement, tant au niveau du récit que de ce qui se passe visuellement à l’écran. Grâce à un élégant travail sur la lumière, d’abord un peu froide puis de plus en plus blanche, ainsi qu’une direction d’acteurs rondement menée (les personnages a priori malsains s’avèrent finalement plus « normaux » que la gentille fille du lot), le spectateur se trouve vite happé par une histoire dont il ne comprendra pas toujours les tenants et aboutissants (mais à quoi jouent-ils tous ?) mais dont il discernera très vite l’intéressant délitement.
Ne lésinant ni sur les ruptures de ton (l’humour et le suspense font ici plutôt bon ménage) ni sur le recours parfois insistant aux codes de l’angoisse (ambiance nocturne, bruits suspects, musique lancinante…), jouant aussi beaucoup de l’ambivalence que dégagent naturellement ses interprètes (Michael Cera qui se met à parler du jour au lendemain l’espagnol, c’est presque angoissant), "Magic Magic" est un pur film d’ambiance, tantôt déroutant, tantôt euphorisant, à l’image d’une Juno Temple qui n’en finira jamais de nous étonner. La jeune actrice investit pleinement son personnage et nous tient en haleine tout du long, jusqu’à un final glaçant.
Sylvia GrandgirardEnvoyer un message au rédacteur