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LA CINQUIÈME SAISON

Une œuvre magique, déroutante et visionnaire

C'est l'hiver. Respectant la tradition, les villageois, accompagnés par des figures de géants, montent en haut de la colline, traînant derrière eux des sapins, qu'ils entassent au sommet. Ils tentent d'allumer un feu, mais celui-ci ne prend pas. C'est signe que l'hiver continuera...

Même s'il est reparti bredouille du Festival de Venise 2012, le film belge "La Cinquième saison", signé Jessica Woodworth et Peter Brosens (auteurs du poussif mais esthétique "Altiplano", présenté à la Semaine de la critique de Cannes en 2009), a fait sensation lors de sa présentation en compétition, divisant spectateurs et critiques. Après l'impact des mines de plomb, c'est de nouveau une thématique environnementale qui sert de point de départ à leur récit, révélant une véritable histoire, aux accents visionnaires évidents.

Car le postulat de départ du film est la disparition des dernières abeilles (les ruches sont vides), et donc de la végétation et des cultures, provoquant pour l'humanité, l'entrée dans un hiver éternel. C'est donc là cette « cinquième saison », celle où les vaches ne donnent plus de lait et où les graines ne germent pas. Et c'est avec singularité et poésie que les auteurs nous font découvrir ce nouveau monde, triste d'aspect, mais toujours chaleureux dans le fond, où l'homme cherche toute les solutions pour se procurer ce qui reste de nourriture. En résulte un scénario hallucinant, bourré de riches idées : quand l'épicier passe son temps à changer les dates de péremption, d'autres récupèrent les insectes sur le papier tue-mouche pour les cuisiner, certains allant même jusqu'à vendre leur corps contre un peu de sucre...

La question est donc celle de la survie de l'homme, dans un monde où les oiseaux morts s'amoncellent, et où même les arbres se mettent à tomber. Déroutant de prime abord de par son humour visuel et décalé (voir les scènes avec le coq, la comptine de l'escargot dans la culotte...), "La Cinquième saison" est un film d'une immense richesse, mêlant le désespoir de l'humanité à la persistance de certaines croyances, pour mieux jouer avec nos peurs (l'apocalypse, la persécution...). Un film au charme esthétique indéniable, aux cadrages savamment calculés, usant d'une symbolique fort à propos, et stigmatisant avec rigueur l'absence d'entraide (il fait dire à l'un des personnages : « c'est pas bien la charité »), l'exclusion, la peur de la différence et la notion même de fatalité. Une œuvre jouissive et visionnaire.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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