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AVE, CÉSAR !

Un film de Ethan Coen, Joel Coen

Hommage aux métiers du cinéma en forme de parcours christique

Eddie Mannix, producteur hollywoodien, employé d’un grand studio passe sa journée à résoudre les problèmes des uns et des autres. Quand il ne surveille pas la vie privée de ses stars, il doit gérer la rançon d’un acteur de renom kidnappé, trouver un premier rôle pour un réalisateur exigeant ou répondre aux questions de journalistes en quête du moindre scoop…

Alors que sa bande-annonce laissait présager d'un film au rythme et au ton hystérique, "Ave, César", le nouveau film des frères Coen ("Fargo", "Inside Llewyn Davis", "True Grit"), s'avère être une délicieuse comédie, aussi posée que son personnage central est flegmatique. Josh Brolin y incarne Eddie Mannix, un producteur débordé par les emmerdes, dont on suit les aventures durant 27 heures intenses, entre deux confessions, qui marquent le début et la fin du film.

Si le métrage peut se voir comme le parcours du Christ, doutant au début pour finir par ne plus porter que la parole officielle (celle d’un patron de Grand Studio, ici invisible), on peut aussi penser que "Ave, César" est un peu aux frères Coen, ce que fut "Ed Wood" à Tim Burton. Car ce scénario tournant autour d'un enlèvement et de la recherche d’une star de cinéma, permet aux réalisateurs de "The Big Lebowski" de rappeler que, malgré l'accumulation des difficultés quotidiennes que peut engendrer le milieu dans lequel ils travaillent, personne n'échangerait ce boulot dans le 7e art contre n’importe quel job plan-plan.

Autour du producteur interprété par Brolin gravitent de nombreux personnages, tous plus croustillants les uns que les autres. On fait ainsi la connaissance avec délectation, de stars capricieuses (Scarlett Johansson, en reine de la chorégraphie aquatique), de journalistes jumelles en soif de scoops scandaleux (Tilda Swinton, épatante dans les deux rôles), ou encore d'un acteur de western incapable d'aligner trois mots (Alden Ehrenreich, en beau gosse joueur)... Quant au scénario, il aborde avec un humour mordant, la représentation du Christ dans les religions, les affres des métiers d'acteur et de scénariste, ainsi que la chasse aux vilains communistes. S’intéressant également au contrôle exercé (jadis ?) par les studios jusque dans la vie privée des stars (choix de leur compagnon, interdiction de certaines activités...), il ne creuse pourtant pas les conséquences individuelles de ces carcans imposés, montrant cependant que le milieu du cinéma est aussi un cercle resserré où les petits secrets des uns font le pouvoir des autres.

Côté mise en scène, le film déborde de véritables morceaux de bravoure, notamment dans les amusantes chorégraphies de sirènes jouant les ballerines au-dessus d'une baleine mécanique, ou quand les marins jouent des claquettes sur les tables d'un tripot. Ces séquences constituent de vrais moments de cinéma où les Coen se font plaisir en singeant le cinéma des années 50-60. Shanning Tatum impressionne d'ailleurs par sa stature et la précision de ses mouvements.

Notons enfin quelques scènes forcément cultes, dont celle aux dialogues hallucinants entre le producteur et quatre représentants religieux (catholique, orthodoxe, protestant et juif) partageant leur vision du Christ, tout comme celle convoquant un étrange cercle de scénaristes en pleine rébellion contre la main mise des studios. De vrais moments de comédie, qui affirment haut et fort que les frères Coen ont rarement été en meilleure forme.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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