NOTRE PARADIS
Un film couillu mais pas à la hauteur de ses ambitions
L’homosexualité, l’amour et la mort se retrouvent dans ce nouveau long-métrage du réalisateur français Gaël Morel qui alterne entre les bons et les films médiocres mais où se retrouvent à chaque fois ces thèmes qui le hantent (depuis son premier film « À toute vitesse » jusqu’à son précédent « Après lui »). Il franchit ici une frontière qu’il n’avait encore jamais côtoyée. Car dans « Notre paradis » le milieu homo est décrit comme un enfer. Finis les jeunes éphèbes et les amours proprettes, Morel se lance à corps perdu dans la prostitution, la violence, le sang, la perversion, les jeux sexuels et la nudité, toutes les nudités. Le film est d’ailleurs interdit aux moins de 16 ans.
« Notre paradis » est une charge contre le milieu homo parisien, qu’il assène de tous les maux (mépris, mode, image, hommes-objets) et dont il dit « Paris, capitale de la baise », « à partir de 30 ans, ton âge double », « si t’es jeune, que t’as une belle gueule et que t’aime le sexe, t’es le roi »… Morel fait de son personnage principal, Vassili (fort justement interprété par son ami de toujours Stéphane Rideau), celui qui y fait le ménage à l’arme blanche pour supprimer ce mal qui gangrène le milieu pédé. On ne sait rien du passé de Vassili mais on imagine allègrement que, pour être autant en boule, il a dû essuyer quelques revers et autres déceptions amoureuses dans le Marais !
Et ce n’est pas au contact d’Angelo, un jeune paumé, fragile et inconscient (auquel Dimitri Durdaine prête ses traits de comédien – un peu trop – débutant) que Vassili s’assagira. Il trouvera certes l’amour, mais celui-ci sera trop dans la relation sexuelle, le rapport amoureux professionnel (plans à trois, clients louches, avec ou sans objets !). Leur histoire est à la fois vivante et passionnée mais aussi trouble et sur le fil.
Une réponse pour se sortir de ce piège que Morel esquisse est la fuite (précipitée dans le film quand un ancien client violenté par Vassili le reconnaît dans une boîte de nuit parisienne). Cette fuite, c’est prendre un nouveau départ, quitter le milieu en rejoignant la province. Direction Lyon où Vassili et Angelo trouveront chaleur et réconfort en se créant un nouveau cocon familial et amical avec le personnage d’Anna (incarné par la grande et toujours impeccable Béatrice Dalle), ancienne complice de Vassili devenue maman poule. Morel change de décor et d’ambiance. Le sombre parisien devient le clair rhônalpin. La nuit devient jour. La pluie se change en neige. L’issue en sera-t-elle plus douce ?
On vous laisse le découvrir si vous êtes prêts à vous laisser embarquer par ce nouveau film du jeune réalisateur qui a certainement souhaité retrouver un cinéma indépendant qui bouscule et qui a dû marquer sa propre jeunesse. On pense à « My own private Idaho » (Van Sant, 1991), « L’Homme blessé » (Chéreau, 1983), « Les Nuits fauves » (Collard, 1992), mais « Notre paradis » n’atteint jamais le niveau émotionnel et qualitatif de ces œuvres. Ce qui était choc, brut, noir, marquant, devient mou, gentillet, mièvre, maniéré dans les mains de Morel. Le film plonge petit à petit dans un no man’s land cinématographique qui, aux deux tiers, ne peut plus être sauvé du naufrage.
Mathieu PayanEnvoyer un message au rédacteur