GODS OF EGYPT
La 11ème plaie d’Egypte
Cette fois-ci on pourrait franchement dire qu'Alex file un mauvais coton ! Passe encore qu'il ait tourné la page du blockbuster magnifiquement dark et violent dont il fut l’un des plus beaux représentants avec le gothique "The Crow" et surtout le visionnaire "Dark City". Passe encore que son envie de lorgner du côté du spectacle hollywoodien pété de thunes l'ait poussé à servir la soupe à Will Smith avec l’inégal "I, Robot". Mais qu'il persiste dans le navet pseudo-mystique à en filer des palpitations à n’importe quel émule de L. Ron Hubbard, là non, ce n’est juste plus possible !
On s’était déjà posé des questions sur le devenir d’Alex Proyas à Hollywood lors de la sortie de "Prédictions" il y a sept ans, surtout au vu d’un scénario catastrophe qui s’achevait dans les bas-fonds de la mystique scientologue, en dépit de deux ou trois scènes virtuoses (en particulier un crash d’avion tourné en plan-séquence). Or, que Proyas sache très bien tenir une caméra n’est désormais plus un critère suffisant lorsque l’on découvre "Gods of Egypt". Sorte de monstruosité kitsch résultant potentiellement d’une mutation contre-nature entre "Flash Gordon" et "Battlefield Earth" (pas les meilleures références qui soient, vous en conviendrez…), cet échec XXL se trimballait depuis quelques mois une réputation catastrophique, que l’on devait surtout à une bande-annonce annonçant une 11ème plaie d’Egypte sur pellicule et à une presse américaine qui ne s’est pas gênée pour l'éreinter en découvrant le résultat. Alex Proyas aura eu beau se la jouer vénère en balançant une violente tribune anti-critiques sur les réseaux sociaux, cela n’aura servi à rien, tant le résultat est encore pire que ce que l’on pouvait imaginer.
Déjà qu’on est obligé de se farcir un scénario con comme un robinet, réduit à un canevas de buddy-movie (en gros, un dieu et un humain qui s’en vont sauver une nana bien niaise et casser la gueule à un vilain dieu baraqué !), avec tout ce que cela comporte de midinette à sauver, de scènes d’action torchées à la va-vite et de blagues de maternelle tout sauf drôles. Mais la caractérisation des dieux, carrément indigne d’une iconisation de super-héros chez Marvel, confère déjà en soi à l'hallucination : pour faire simple, Horus est un bellâtre qui sert de gibier à deux serpents géants, Leonidas a visiblement voyagé dans le temps pour prendre la place du dieu Seth (à moins que ce ne soit l’inverse…), et ce cher Râ – ici ridiculisé par Geoffrey Rush – fait brûler son corps quand il ne se tourne pas les pouces dans le vaisseau spatial du "LifeForce" de Tobe Hooper.
Bon, soyons honnêtes : si encore le film était fun à regarder et surchargé de money-shots bien racoleurs, tout cela n’aurait pas été bien grave, et le film aurait même ainsi pu titiller notre fibre de cinéphile non réticent à déguster de temps en temps un bon nanar bien ridicule. Or, "Gods of Egypt" est tout l’inverse d’un nanar. C’est surtout un gros navet prodigieusement ennuyeux à regarder, dépourvu de la moindre notion de rythme et de découpage, d’une mocheté insensée au vu du nombre incalculable de fonds verts mal incrustés, et surtout inondé d’effets spéciaux indignes d’une cinématique de jeu Dreamcast. Avec, comme c’était déjà le cas dans "Prédictions", un récit bidon dont la pauvreté narrative peine à dissimuler les penchants scientologues de plus en plus inquiétants de son cinéaste. À un tel parangon de laideur dorée et de gloubi-boulga idéologico-crétin, on aurait presque envie d’applaudir… Ou pas.
Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur