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MARCHE OU CRÈVE

Un film de Margaux Bonhomme

Ou rêve ?

Élisa, 17 ans, vit dans le Vercors. Depuis que sa mère a quitté le foyer familial, elle vit avec son père et sa sœur Manon, handicapée mentale. Si elle s’occupe de cette dernière avec amour, le quotidien devient parfois très lourd à supporter pour une jeune femme en quête de liberté…

Tout commence par une scène d’escalade qui fait figure de métaphore : c’est difficile mais le personnage s’accroche, et elle suit son père qui l’encourage (Cédric Khan, d’une grande justesse jusqu’au bout). Cette complicité est l’un des moteurs de l’héroïne, qui développe par ailleurs une relation conflictuelle avec sa mère. Entre ces deux pôles (qui ne s’avèrent pas si figés par la suite), se trouve la sœur handicapée, qui prend énormément de place dans la vie d’Élisa et de son père. Le scénario développe alors en parallèle les thématiques de l’adolescence et du handicap, se centrant sur le regard d’Élisa, magnifiquement interprétée par Diane Rouxel.

L’authenticité de cette histoire met en évidence l’inspiration autobiographique de la réalisatrice. Tout sonne donc juste dans le film, qui montre avec habileté et subtilité le quotidien d’une famille qui doit apprendre à vivre avec le handicap. Rien ne prépare à cela et Margaux Bonhomme nous expose chaque difficulté, s’attachant à construire des personnages qui vivent entre abnégation et culpabilité, entre tendresse et colère, entre courage et désespoir.

Même dans leurs travers, aucun protagoniste n’est jugé ni pointé du doigt, y compris les anonymes, comme ces gens qui ne comprennent pas et ne supportent pas le comportement bruyant d’une handicapée au restaurant. Malgré l’indignation, on pardonne leur ignorance, d’autant plus que le film développe toute une gamme de réactions de la part des proches : la mère qui fuit, la sœur qui enrage et frôle le pire, le père qui met tant d’énergie à s’occuper de sa fille handicapée qu’il en vient à oublier les autres et à se négliger lui-même… Il faut dire que l’omniprésence des cris de Manon (incarnée avec brio par Jeanne Cohendy) confère au film un côté oppressant qui permet de comprendre volontiers que n’importe qui puisse craquer, même malgré l’amour familial.

Si quelques dialogues peuvent paraître convenus, si les scènes d’escalade sans équipement sont contestables, et si certains personnages secondaires (comme celui joué par Pablo Pauly) ne sont pas toujours bien intégrés à la mise en scène, l’ensemble est suffisamment efficace et sincère pour pardonner les imperfections. Malgré la lourdeur du sujet, Margaux Bonhomme sait aussi proposer des respirations et de vrais instants de tendresse, comme lorsqu’un chef de fanfare vient prendre Manon par la main pour qu’elle s’approche des instruments, ou lorsqu’Élisa et son père parviennent à faire rire Manon ou à l’apaiser.

Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur

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