IL DIVO
Le bien et le mal regroupés sous un même nom
Avec « l'Uomo in più » (2001), Paolo Sorrentino affirmait déjà un penchant pour les personnages au destin tout tracé, mais dont l'égocentrisme et la condescendance finissaient par avoir raison d'eux. « Les Conséquences de l'amour », présenté en compétition au festival de Cannes 2004, révélait quant à lui une esthétique visuelle nouvelle, une beauté sophistiquée qui allait définitivement marquer le cinéma italien contemporain. Avec « Il Divo », Sorrentino signe son oeuvre la plus aboutie, celle qui lui donnera probablement la reconnaissance internationale qu'il mérite.
Saluons tout d'abord la précision de la reconstitution et la richesse des informations historiques, reflet d'une réalité à laquelle Sorrentino a su rester le plus fidèle possible. Des dizaines de personnages ayant existé, tous campés avec la plus grande conviction, se succèdent aux côtés de Giulio Andreotti, dit il Divo. Magistralement interpreté par Toni Servillo, déjà protagoniste de l'Uomo in più et des Conséquences de l'amour, Andreotti est un homme infernal et inébranlable, l'incarnation d'un machiavélisme politique doublé d'une foi à toute épreuve (« Je ne crois pas au hasard. Je crois seulement en la volonté de Dieu »). Calculateur, totalement indéchiffrable, parfois altruisme, il suscite à la fois fascination et répulsion.
Au-delà des faits et de leur retranscription objective, Sorrentino s'efforce donc de mettre en évidence aussi l'ambiguité du personnage, en cédant ponctuellement à l'interprétation personnelle (collective ?) : une première fois avec une scène vertigineuse où Andreotti livre des aveux frénétiques, laissant au spectateur le soin de juger s'il s'agit d'un rêve ou d'une réalité, et une deuxième fois à travers les tranches de vie du couple que forment Andreotti et son épouse. Un parti-pris scénaristique qui marche, puisqu'il permet de mieux saisir toute la complexité du personnage.
Dans la lignée des personnages chers à Sorrentino, celui de « Il Divo » est cynique et mélancolique, caché derrière son apparence glaciale et sa maîtrise du verbe toujours cinglant. Et comme chaque monstre, il a sa part d'humanité, ses insomnies et ses cachets d'aspirine, destinés à lui faire oublier l'assassinat d'Aldo Moro par les Brigades rouges italiennes en 1978.
Grâce à un scénario cousu main, Paolo Sorrentino signe donc le portrait passionnant d'un homme qui ne l'est pas moins. Il en résulte un film réussi, monté en mayonnaise par une mise en scène hallucinante dont la bande son, pesée à la note près, fait partie intégrante. A découvrir absolument.
Sylvia GrandgirardEnvoyer un message au rédacteur