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MISE À NU

Un film de Jeon Soo-il

Il fait froid dans mon cœur et le ciel est sombre :

Une jeune fille, au regard un peu insensé et qui a sans cesse une sucette collée à la bouche, déambule entre les bras de deux frères. Un jour, elle se suicide au gaz, venant ainsi gonfler le fichier client d’un homme dont le business est d’accompagner- moyennant finance- des gens au suicide…

4 ème jour du Festival Asiexpo. Est ce parce que la fatigue commence à se faire sentir, après un rythme de projection effréné, que mon voisin de strapontin ainsi que deux hommes derrière moi commencent à ronfler dès la 15 ème minute du film ? Lent, le nouveau long métrage de Jeon Su-il l’est sans conteste. Bizarroïde également. Par son sujet tout d’abord, ou comment faire du suicide un business d’un nouveau genre, mais surtout par la façon dont il l’aborde. Et je me demande encore quel était l’effet recherché par le cinéaste, car il semble peu probable qu’en choisissant un tel sujet, il n’ait rien voulu produire d’autre qu’une peinture stylisée.

Alors, qu’est ce que ce film ? Une ultime provocation ? Pas vraiment. Certes, le climat général est assez sombre et la palette des couleurs fait plus dans le gris sale que dans le rose bonbon. Mais force est de constater que Jeon Su-il ne surjoue pas de ce climat cafardeux ; les scènes de violence sont finalement assez rares et celles qui pourraient être réellement choquantes (celle par exemple où une artiste se taillade les veines lors d’une de ses performances) sont allégées grâce à une mise en scène sophistiquée. Le film recèle d’ailleurs de multiples qualités techniques : la bande son a été judicieusement choisie (les chansons de Chet Baker s’accordant parfaitement à certaines séquences), la photographie est soignée et il se dégage de nombreux plans une esthétique sensible et originale.

« Mise à Nu » serait-il au contraire une ode à la vie ? Encore raté. Il n’y a pas d’espoir qui perce de ce film et le suicide, sans être glorifié, apparaît bien comme un possible, un moyen simple et efficace de mettre un terme à un trop grand mal être. Même le jeune chanteur qui renonce à son projet après avoir souhaité une mort « cool» (sic) à la K. Cobain, finit écrasé par un camion dans l’heure suivant sa rétractation. Démonstration de l’ironie du sort mais qui est trop fugace pour donner à elle seule une profondeur ou un ton original au récit.

Le film n’est donc rien de tout cela, et c’est précisément cette absence d’intention qui agace rapidement. Les acteurs font de leur mieux pour donner de la substance à leurs personnages mais la galerie de portraits qui nous est proposée reste malheureusement très caricaturale : la pseudo artiste qui a vraisemblablement souffert d’une enfance difficile, le chanteur de rock décérébré prêt à renoncer à la vie pour accéder à la gloire, l’ex-pute paumée… Hélas, la tentation du suicide touche généralement des personnes au profil beaucoup moins exotique et en intégrant cette donnée, le film aurait sans doute gagné en honnêteté, en sensibilité et finalement en intérêt.

Delphine MuhlbacherEnvoyer un message au rédacteur

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