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LE RETOUR DE MARY POPPINS

Un film de Rob Marshall

Pour les prouesses chorégraphiques et un certain parfum de nostalgie

Les enfants Banks ont bien grandi. Michael, qui vient de perdre sa femme dans l'année écoulée, vit toujours dans la maison de famille avec ses trois enfants, Annabel, Georgie et John. Sa sœur Jane vit dans un appartement non loin de là. Un beau matin, des huissiers se présentent à la porte, demandant, pour faute de traites impayées, le remboursement de l'intégralité du prêt contracté par Michael, sous peine de saisie de la belle demeure. Ils ont alors quelques jours pour retrouver un papier, attestant que leur père possédait des parts dans la banque en question, qu’il leur a léguées...

Après un classique des Studios Disney ("Mary Poppins", 1964) dont l'action se situait avant la Grande Guerre (1910), introduisant un personnage de nounous rigide et excentrique à la fois, disposant de quelques pouvoirs magiques, les enfants sont donc devenus adultes, situant ainsi l'action de cette suite durant la grande dépression (années 30). Jack qui saluait Jane à sa fenêtre est donc devenu grand, adoptant le métier de falotier (un "allumeur" de réverbères), Ellen, domestique serviable aux pics de rébellion est devenue une vieille dame, Michael travaille ironiquement dans la banque qui veut lui saisir sa maison, et William, neveu du banquier profite à plein d'une crise économique fort lucrative.

Lin-Manuel Miranda est malicieux à souhait, Julie Walters remplace Hermione Baddeley, Ben Whishaw ("Lilting", "Bright Star", "Le Parfum") joue à merveille les maris dépassés par le quotidien et cachant mal le manque provoqué par la mort de sa femme, et Colin Firth incarné avec aplomb un banquier véreux forcément caricatural. Quant à Mary Poppins, c’est Emily Blunt qui reprend le rôle de Julie Andrews (celle-ci ayant refusé d'apparaître dans le film) avec un personnage figé dans le temps, aussi porteur de leçons que fantasque et un rien imbu de sa personne.

L'atout majeur, au delà de mélodies qui se retiennent bien moins que pour le précédent opus, réside certainement dans les numéros musicaux, plutôt réussis, qu'ils soient oniriques (et métaphoriques) comme le voyage dans les décors d'un vase ébréché, ou simplement londoniens (la visite à la tante dont la maison est "à l'envers ", la virée à vélo des falotiers...). Une réussite sans aucun doute due à la présence aux commandes de Rob Marshall, déjà réalisateur d’autres comédies musicales survitaminées, telles "Chicago", "Nine", ou "Into The Woods". Mêlant animation et prises de vues réelles le film cherche étonnement à retrouver le charme du premier film plutôt qu'à mettre en avant les techniques d'aujourd'hui. Seule la canne de Mary s'anime ainsi en images de synthèses pour mieux amuser les plus petits par ses remarques cependant souvent attendues.

L'apparition de Meryl Streep, décidément abonnée aux comédies musicales ("Into The Woods", "Mamma mía") ajoute encore à un certain plaisir renouvelé. Reste cependant une ambiguïté de taille, liée à l’adaptation patchwork de plusieurs des sept livres consacrés à Mary Poppins par l’australienne Pamela L. Travers. En choisissant la grande dépression comme décors et les banquiers expulseurs comme cibles, le scénario trouvera initialement une certaine résonance contemporaine, qui parlera certainement à bon nombre d'Américains mais aussi à d'autres pays impactés par la crise de 2008. Mais la peinture du contexte miséreux étant tellement absente et la critique du système se limitant à une superficielle désobéissance, on ne peut s'empêcher d'y voir au final, au-delà d’une gentille ode à honnêteté, un film qui s’inscrit juste dans le système et sa quête de recettes, dans les deux sens du terme.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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