10 CANOËS, 150 LANCES ET 3 ÉPOUSES
Une invitation à la méditation
Dès les premières images, la voix du conteur fait peser sur ce film une atmosphère hors du commun. Il faut dire que le narrateur n’est pas n’importe qui : c’est l’initiateur du film, David Gulpilil, le plus grand acteur que les peuples aborigènes aient jamais connu ! Sa voix omniprésente puise son style dans deux héritages : les légendes aborigènes, évidemment, et les contes anglo-saxons. La passion que mettent Gulpilil et le réalisateur Rolf de Heer dans leur projet n’a d’égal que l’investissement enthousiaste de la communauté Yolngu. Le résultat est d’une authenticité culturelle si troublante qu’on se croirait souvent devant un film documentaire. Les passages en noir et blanc font d’ailleurs écho aux films anthropologiques de Flaherty ou de Cooper et Schoedsack.
Pour ce qui est de l’histoire, elle est empreinte d’un mélange de sagesse et d’humour dont se dégage une sérénité déconcertante. Certes, certains passages peuvent paraître longs et l’aller-retour entre les deux époques peut en lasser plus d’un ! Pourtant, cette plongée vers ces horizons lointains et méconnus allègent finalement le cœur. Et quand on sort de la salle, on a presque envie de quitter la ville pour les étendues australiennes ! Sans aller jusque là, le film invite à la réflexion sur la diversité des cultures et sur la complexité des choses (la comparaison entre le récit et les branches de l’arbre mérite l’attention). "10 canoës…" défie le temps et nous demande d’être plus patients et d’écouter avant d’agir. A méditer…
NB: le film a reçu le prix spécial du jury "Un Certain Regard" au dernier festival de Cannes, ainsi que 6 AFI Awards (l'équivalent australien des Oscars).
Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur