Festival Que du feu 2024 encart

AFERIM !

Un film de Radu Jude

Un véritable travail anthropologique venu de Roumanie

1835 en Valachie, région de Roumanie. Aferim est un homme chargé de faire respecter la loi. Il emmène son fils, censé lui succéder à ce poste, dans la mission de recherche d'un gitan évadé de chez son maître...

Disposant d'une magnifique photographie en noir et blanc, "Aferim !" fait dans un premier temps la part belle aux paysages, tous incroyablement cinématographiques, traversés à cheval par les deux personnages principaux (plaines, marais...). Au travers de quelques rencontres, le film s'intéresse ensuite au fonctionnement des comtés entre eux, puis finit par se concentrer sur les conventions et règles sociales, et surtout les rapports entre ethnies ou entre « noblesse » et paysans.

Assumant son rythme lent, le film n'en recèle pas moins de belles qualités de composition des plans dans les moments les plus contemplatifs, et de légèreté dans les mouvements de caméra pour les scènes les plus tendues (l'arrestation dans la grange est un modèle de fluidité en milieu contraint...). Ce travail sur l'image aura d'ailleurs valu à Radu Jude (auteur de "Papa vient dimanche") le Prix de la mise en scène au Festival de Berlin 2015 où le film était présenté en compétition.

Décrivant un racisme quotidien et la sédimentation d'une société où égalité et justice sont toutes relatives, "Aferim" constitue un véritable travail d'anthropologie. Il reconstitue la vie quotidienne dans un autre âge, dans une contrée où se mêlent Russes, Juifs, Chrétiens et Turcs. Au travers de son personnage principal, il montre l'excès d'assurance dû à la situation privilégiée d'un poste, et la facilité du mépris des pauvres et des malades, voire la haine d'autres ethnies (les ottomans), tout en pointant la faible considération pour les femmes (que le mari « est censé battre »). Il provoque progressivement la curiosité, en donnant à découvrir un monde pas si lointain, où les riches possédaient leurs travailleurs et où la superstition régnait parfois en maître. Instructif.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

Laisser un commentaire