PEOPLE MOUNTAIN, PEOPLE SEA
Un voyage confus aux fins fonds de la Chine
Film surprise au Festival de Venise 2011, « People Mountain, people sea » de Shangjun Cai (« The red awn ») en est reparti avec le prix de le meilleure mise en scène, le président du jury, Darren Aronofsky, précisant que le film offrait un voyage dans des lieux inconnus et surprenants. Le film nous convie en effet à une sorte de road-movie, suivant un homme, lui-même condamné pour un accident dans une carrière à ciel ouvert, à la recherche de l'assassin de son frère. Sombre histoire de vengeance aux quelques accès soudains de violence, le film impose un récit très confus, surtout dans sa dernière partie entièrement située dans une mine plus ou moins légale, où l'homme espère trouver le meurtrier, car il s'agit d'un lieu habituellement utilisé comme retraite par des fuyards.
Au fil de l'histoire, on accompagne ce personnage, aussi opaque que silencieux, d'abord en ville, dans les quartiers les plus mal famés, occasion pour l'auteur de montrer quelques logiques de clan, et une corruption généralisée, puis dans un village où vit son ex-femme. On découvre ainsi de nombreux personnages, le réalisateur adoptant un principe narratif un peu étrange. En effet, celui-ci fait se dérouler une bonne partie de l'action sans que le spectateur n'ai la moindre idée de la personne à qui le personnage s'adresse, si il la connaît ou non, et quelle est son statu ou son rôle. Cela crée une certaine sensation de curiosité, mais à trop vouloir jouer le mystère, le réalisateur nous perd en route. Comment deviner d'emblée quel est le lien avec l'homme qu'il rencontre en ville, ami de longue date ? Comment être sûr que la femme vue dans le village est bien son ex-femme, alors qu'il la viole littéralement ?
Le système prend une ampleur totalement déroutante une fois l'homme arrivé dans une mine, certes angoissante dans son aspect même, où il est persuadé que le meurtrier travaille. En effet, on se demande bien qui est l'homme torturé à coup de jets d'eau sous pression par ses compagnons ? Est-ce le même que celui massacré à coups de pelle ? Celui à qui Tie casse le bras pendant qu'il dort, lui sauvant volontairement la vie, est-il son fils... ou simplement une femme à épargner ? Bref, nombre de questions restent en suspend pour qui n'aura pas lu le synopsis (qui raconte tout), rendant le final, pourtant basé sur une très bonne idée, totalement illisible.
Ajoutez à cela des plans interminables, comme celui où l'ex-femme s'éloigne à l'arrière d'une voiture, ou la descente en ascenseur au fond d'une mine (en temps réel) et vous aurez une petite idée du profond agacement qui vous gagne. Reste en effet une certaine sensation de dépaysement, fort justement soulignée par le jury vénitien. Mais cela suffit-il à sauver un film des plus confus, dans lequel le réalisateur prétendait notamment aborder la question de la prise en charge de son destin par l'individu, en tant que membre de la masse (« sea of people »), alors que les autorités sont défaillantes.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur