KILOMETRE ZERO
Un road movie à l’irakienne
Avec Kilometre Zero, Hiner Saalem nous livre un film de guerre qui échappe au genre. Certes le cadre general du film est le conflit Iran-Irak, mais c’est finalement la poésie et l’humour désespéré dont le realisateur enveloppe ses pesonnages, qui caractérise le plus cette œuvre. Les scènes de combat sont en nombre réduit, mais la violence perce tout de même, et avec elle la condition absurde d’un jeune homme qui se retrouve du jour au lendemain combattant malgre lui….
Les dialogues, épurés à l’extrême, semblent avoir été réduits au profit de l’image, et le plaisir qu’a pris le réalisateur à tourner est si evident qu’il fait oublier les quelques longueurs et maladresses que comporte le scénario. Ce périple en taxi est prétexte à de magnifiques plans du desert irakien où les deux compagnons de fortune apparaissent comme des marionnettes, oscillant au milieu d’une scène infinie…
De l’envie de meurtre, ils passent aux eclats de rire, de la revolte au renoncement…On s’attache vite à ces personnages désorientés, et l’on en oublie presque qu’un dénouement peut survenir, tant cette route semble ne mener nulle part. Rarement la perdition et l’isolement (physique et mental) ont été aussi bien mis en scene, et rarement cinéma engagé a été aussi peu dogmatique….Certes le style de cette œuvre atypique ne semble pas être arrivé à pleine maturité, mais ce qu’il donne à voir de l’humanite est beau et touchant : des jaillissements de joie, des faiblesses, et une histoire sans cesse en écriture…
Delphine MuhlbacherEnvoyer un message au rédacteurKilomètre Zéro constitue un geste fort de la part des sélectionneurs du festival de Cannes qui ont présenté en sélection officielle ce film irakien, le premier de l’après Saddam Hussein. Force est de constater que cette sélection n’était pas qu’un geste politique, mais aussi tout à fait justifiée d’un point de vue cinématographique.
Hiner Saleem nous replonge donc dans un Irak en guerre, où les soldats de Saddam maltraitent, en son nom, les jeunes kurdes qui ne pensent qu’à fuir. Il nous propose des images du désert d’une qualité exceptionnelle. Loin d’être réducteur, son propos aborde de très nombreux sujets en rapport avec la vie en Irak, la communauté kurde, la guerre, la famille…
Le film trouvera surtout sa qualité et son originalité dans sa deuxième moitié, où le jeune soldat retourne au pays dans une sorte de road movie étonnant. Les deux personnages s’aiment autant qu’ils se détestent, on découvre les paradoxes typiques des bureaucraties les plus inefficaces, et surtout l’âpreté et la tristesse de cette guerre, menée par des jeunes gens qui vont se faire tuer pour un pays qui n’est même pas le leur.
On reprochera quelques petites lenteurs au film, mais ce Kilomètre Zéro laisse réellement des traces et des souvenirs dans le cœur, notamment lors de cette scène où, 15 ans après, ce jeune homme et sa femme, exilés en France apprennent la libération de l’Irak du joug de Saddam. Ce cinquième film de l’histoire de l’Irak est donc un réel grand moment à passer dans les salles.
Rémy MargageEnvoyer un message au rédacteur